A l'ombre de ma vie
fils. Ces hommes l’ont immédiatement relâché pour qu’il puisse s’occuper de
rassembler la rançon. Florence n’était même pas inculpée pour son enlèvement,
lors du procès, et elle est condamnée tout de même. Et puis quatre ans pour
possession d’armes, quatre autres années pour possession de munitions réservées
à l’armée. Et enfin, huit années pour association de malfaiteurs, alors que la
loi de votre pays dit qu’il faut au moins trois personnes pour définir une
association de malfaiteurs. Ici, il n’y en a que deux, et la deuxième personne,
Israël Vallarta, n’est même pas encore condamnée…
Le lendemain, les principaux quotidiens reprennent ses mots,
publient sa photo et racontent toute sa détermination. Je sens, depuis le fond
de ma cellule, que certains journalistes commencent à changer de ton et se
montrent enfin critiques sur la manière dont ont été conduits mon arrestation
et mon procès. Mais ce ne sont que quelques articles… et quand Frank Berton
reprend l’avion, après être passé me voir encore une fois pour m’assurer qu’il
allait faire le maximum pour me sortir de là, et surtout relayer tout cela à
l’Élysée, je sais que quelque chose a définitivement changé, ici. Si une partie
de l’opinion doute de ce qu’on lui raconte dans la majorité des médias, le
pouvoir mexicain s’est considérablement radicalisé contre moi. Il va falloir
beaucoup d’habileté à ceux qui veulent bien m’aider. La solution ne sera pas
que juridique, je l’ai bien compris. Elle sera également politique, et même
diplomatique.
Après tout ce remue-ménage, après le départ de mon avocat et
de mes parents, je me retrouve seule ; l’excitation de ces quelques jours
importants retombe. C’est un sentiment bizarre, ce vide qui reste quand tout
est fini, quand ils sont tous rentrés en France et que je suis toujours là,
enfermée, empêchée de vivre normalement et toute petite au milieu d’une histoire
qui me dépasse désormais.
Pour garder le contact, j’appelle Frank Berton tous les
jours. Ce coup de fil est devenu aussi important que celui que je donne à mes
parents chaque matin, depuis le début. J’ai besoin de sa voix, de sa force, et
de l’entendre dire : « On va faire ça, ça et ça ! ».
C’est à ce moment que se développe mon comité de soutien, en
France. Jean-Luc Romero est à l’origine de cette idée et il a bien du travail.
Il est né à Béthune, lui aussi a rencontré mes parents : il a cherché à en
savoir plus, à se faire expliquer ce qui s’est réellement passé. Et même s’il
vit à Paris et qu’il est conseiller général dans la région parisienne, dès
qu’il a été convaincu de mon innocence, il s’est jeté dans la bataille. Et avec
quelle générosité ! Je déborde de reconnaissance pour lui et tous ceux qui
animent le site Internet, organisent des réunions, parlent de moi dès qu’ils en
ont l’occasion. Je sais qu’ils se heurtent à une drôle de suspicion :
c’est d’autant plus remarquable. Je suis ici, toute seule, des journées
entières, et il m’arrive de flancher : je pense alors à toutes ces
personnes et je me dis que, au fond, j’ai de la chance de les avoir. Derrière
moi, il y a mes parents. Depuis toujours, depuis le début. Je me répète encore
et encore que c’est un trésor d’avoir leur amour si fort qu’ils ne se sont
jamais demandé si j’avais quelque chose à me reprocher. Qu’est-ce que je serais
devenue s’ils avaient douté de moi ? Et s’ils ne m’avaient pas aidée au
point de tout me donner ?
Et mon avocat, maintenant. Ce n’est pas n’importe qui, je
sens qu’il me porte, lui aussi, comme me portent Jean-Luc et tous ceux autour
de lui. Comme me porte Thierry Lazaro, mon sauf-conduit pour l’Élysée. Quelle
énergie, lui aussi. Ma mère m’a raconté comment il l’avait regardée, un jour,
pour l’assurer de son soutien : « Je suis convaincu de l’innocence de
votre fille, Madame. » Jusqu’au président lui-même qui croit en moi, qui
se remue comme tous les autres – mais à son niveau tout de même, ce n’est pas rien !
Et moi, tout ce que j’ai à faire, c’est tenir. Voilà ce que je me dis quand je
sens mon moral vaciller. Je me répète qu’ils ne me demandent rien d’autre en
échange de tout ce qu’ils font pour moi. Par moments, quand je manque
d’énergie, je peux passer un mois sans les appeler et ils ne me le
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