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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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disparition tragique de leur fils unique. En
raison du départ massif des Chrétiens d’Ishbiliyah, il n’y avait plus de
témoins directs de mes actes insensés. Pourtant, je persistais à m’imaginer
que, des années après, ils étaient restés dans toutes les mémoires et qu’ils
alimentaient les conversations quotidiennes. Il m’a fallu beaucoup de temps
pour prendre conscience que je m’attribuais une importance qui ne correspondait
pas à la réalité. Je n’aurais pas été inquiété si j’avais foulé à nouveau les
rues animées de ma cité.
    — Comment es-tu arrivé dans ce
misérable hameau ?
    — Tu le sais, tu l’as appris.
    — Je préfère l’entendre de ta
propre bouche.
    — Soit. Peu de temps après mon
arrivée en al-Andalous, j’ai exercé ma charge de prêtre dans une bourgade
proche de Granata. Un soir, l’on est venu me chercher. Un Chrétien, dont j’ignorais
jusque-là l’existence, était sur le point de rendre l’âme et souhaitait se
confesser. Je suis allé chez lui. Il vivait, caché depuis des années, dans une
misérable hutte, soigné par sa compagne, une femme d’une saleté repoussante,
qui a fait mine de s’enfuir en m’apercevant. L’homme m’a raconté son histoire.
C’était un ancien moine, du nom de Valério, qui avait été ton captif avant de
passer au service du prince Mutarrif. C’est lui qui avait utilisé ses talents
de faussaire pour forger les documents qui amenèrent l’émir à condamner à mort
son fils Mohammad. Redoutant d’être tué par son protecteur, qui n’avait aucun
intérêt à ce que l’on découvre la vérité, ce malheureux s’était enfui de
Kurtuba et avait gagné tes domaines où il se cachait, tremblant à l’idée que tu
découvres son repaire. Pour le consoler et le réconforter, je lui ai avoué que
ma propre vie ressemblait à la sienne et j’ai pris sur moi, en dépit de ses
nombreux péchés, de lui donner l’absolution. Pouvais-je la lui refuser, moi qui
avais aussi un crime sur la conscience ? J’ai tué de ma propre main un
ami. Lui n’a fait que prêter son concours à un abominable complot.
    — Je puis te le dire, ce
Valério était un fieffé coquin dont je n’étais pas mécontent de m’être
débarrassé.
    — Peu importe ce que tu penses.
Il est mort en bon chrétien et c’est ce qui compte à mes yeux. Pour me
remercier, il m’a éclairé de ses lumières. Ayant été ton domestique, il
connaissait parfaitement cette région et c’est lui qui m’a indiqué l’existence
de ce hameau perdu. Il était peuplé, m’a-t-il dit, par des êtres frustes et
incultes. Ceux-ci seraient trop heureux d’avoir un prêtre à leur disposition et
se garderaient bien de lui poser la moindre question. J’ai suivi son conseil
et, des années durant, je n’ai pas eu à le regretter. Je n’arrive pas à
comprendre comment tu as pu retrouver ma trace. Lui seul était au courant de
mon terrible secret et il est mort dans mes bras, peu de temps après avoir reçu
ma bénédiction.
    — Je te l’ai dit, rien ne
m’échappe.
    Omar Ibn Hafsun se garda bien de
révéler à Gundisalvus que la compagne du mourant était en fait restée dans un
coin obscur de la pièce et n’avait pas perdu un mot de leur discussion. À court
d’argent, elle s’était rendue à Bobastro et lui avait vendu cette information,
se doutant bien qu’elle intéresserait le chef rebelle. Il ne regrettait pas les
quelques pièces dont cette hideuse ribaude l’avait délesté. Outre le fait qu’il
avait beaucoup ri en apprenant les infortunes de son ancien protégé, il avait
immédiatement compris que le prétendu Alfonso était un personnage hors du
commun et qu’il pourrait un jour utiliser ses compétences et ses connaissances.
Il avait ordonné qu’on le laisse en paix et l’avait fait venir à plusieurs
reprises à Bobastro pour mieux l’observer et le jauger. Il avait maintenant
besoin de lui et espérait bien être payé de retour pour sa bienveillance
passée.
     
    Après son long entretien avec
Gundisalvus, Omar Ibn Hafsun laissa le vieil homme prendre un peu de repos. La
journée avait été éprouvante pour le prêtre, soudainement confronté à un passé
qu’il avait cherché par tous les moyens à dissimuler. Il préférait le ménager
et ne pas lui révéler immédiatement ce qu’il attendait de lui. Il prétexta une
partie de chasse avec son fils Djaffar pour s’absenter de Bobastro pendant
plusieurs

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