Abdallah le cruel
naissance. S’il acceptait
de renouer avec les membres de sa famille, il permettrait à Omar Ibn Hafsun de
prendre contact avec l’entourage d’Alphonse III et d’entamer des
négociations en vue de la conclusion d’un traité. Encore fallait-il le
convaincre de se prêter à cette manœuvre. Pour cela, il convenait tout d’abord
de l’affaiblir, en lui dévoilant que son secret avait été éventé. Ensuite, il
serait facile de profiter de son désarroi pour l’obliger à jouer les intermédiaires.
C’est avec en tête ce plan
particulièrement retors qu’Omar Ibn Hafsun, de retour de la chasse, fit venir
le vieil homme :
— Je ne sais trop comment
t’appeler, Alfonso ou Gundisalvus ? C’est à toi de me le dire.
— Gundisalvus. Pendant ton
absence, j’ai beaucoup prié, du moins quand tes serviteurs me laissaient
tranquille. Ils tournaient autour de moi, cherchant par tous les moyens à me
distraire et à me faire plaisir. J’apprécie grandement leur sollicitude et je
te prie de les remercier de leurs bonnes intentions. Mais, de grâce, qu’ils
respectent ma solitude !
— Je donnerai des ordres en ce
sens. Toi, le fils d’une famille noble, tu es bien placé pour savoir de quelles
maladresses peuvent se rendre coupables, sans le soupçonner, les domestiques qui
vivent constamment dans la crainte d’une réprimande. Ils auront mal interprété
mes consignes.
— Je te supplie de ne pas les
punir. Je m’en voudrais si ces pauvres gens avaient à subir les conséquences de
ce que je t’ai dit.
— Rassure-toi. Ils seront ravis
d’apprendre que c’est à ta suggestion que je les récompense d’une petite somme
d’argent.
— Te voilà mon créancier.
Comment pourrais-je m’acquitter de cette dette ?
— C’est très simple.
— Parle et je t’obéirai.
— J’ai besoin de ton aide.
— Sois assuré que je prie pour
toi chaque jour.
— Je te remercie, mais ce n’est
pas ce que je veux.
— Je t’écoute.
— Je souhaite que tu te rendes
à Oviedo et que tu entres en contact avec tes frères qui vivent là-bas. Ils
seront heureux, j’en suis sûr, d’apprendre que tu es toujours vivant. Tu leur
remettras de ma part un message. Je vais être sincère avec toi. Mon plus grand
désir est de nouer une alliance avec Alphonse III, dont ils sont les
conseillers, et c’est une mission périlleuse que je te confie. J’aurais pu
trouver d’autres prétextes pour t’envoyer dans cette ville. Je t’estime trop
pour abuser de ta confiance et de ton amitié.
— Je te suis très reconnaissant
de cette attention. Elle confirme la noblesse de tes sentiments. Je te l’ai
dit, pendant ton absence, j’ai beaucoup prié et j’ai réalisé la vanité de mon
comportement. J’ai cherché à effacer mon passé et j’en ai été cruellement puni.
Ce que tu as découvert, d’autres l’apprendront à leur tour. À ce propos, qu’est
devenue la femme de Valério ?
— Voilà une excellente
question. J’avais de bonnes raisons de me méfier d’elle. Elle connaissait
parfaitement la valeur de l’information qu’elle m’a vendue. Je me suis assuré
qu’elle ne pourrait ni te nuire, ni me nuire. Tant que nous n’avions pas eu
notre discussion, elle est restée ici, sous bonne garde.
— J’espère qu’elle n’a pas été
maltraitée.
— Non, et pourtant elle
l’aurait bien mérité. C’est une véritable diablesse et mes soldats l’auraient
volontiers fouettée pour la punir de son insolence, de ses invectives et de ses
exigences.
— Tu l’as protégée, c’est le
plus important. J’ai de bonnes raisons de ne pas la porter dans mon cœur. Mais
c’est une Chrétienne et, en tant que prêtre, je dois lui pardonner le mal
qu’elle m’a fait.
— Mon intendant m’a averti
qu’elle s’était enfuie hier, non sans dérober quelques objets précieux. Je
suppose qu’elle est partie pour Oviedo vendre à tes frères ton secret. Je n’ai
aucune intention de la faire rattraper. Sans le savoir, elle sert mes intérêts.
— Ce n’est pas à tort qu’on dit
que tu es l’homme le plus rusé de la terre. Je m’attendais à ce dénouement.
Désormais, il ne me fait plus peur. Je te l’ai dit, je regrette amèrement ma
conduite. En cherchant l’oubli, j’ai choisi la solution de facilité. Dieu m’a
rappelé à mes devoirs en me faisant comprendre que ma plus grande punition
serait de redevenir Gundisalvus et d’assumer ma véritable
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