Abdallah le cruel
comment faire pour embraser les têtes des
ennemis quand la pluie tombe à grosses gouttes. Elle se compose des fils
d’Adnân, qui excellent à faire des incursions, et des fils de Qah’tân, qui
fondent sur leur proie comme des vautours.
Son chef, un grand guerrier, un
vrai dieu, qu’on glorifie en tous lieux, appartient à la meilleure branche des
Kaisites.
Depuis de longues années, les
hommes les plus généreux et les plus braves reconnaissent sa supériorité.
C’est un homme loyal.
Issu d’une race de preux dont le
sang ne s’est jamais mêlé à celui d’une race étrangère, il attaque
impétueusement ses ennemis comme il sied à un Arabe, à un Kaisite surtout, et
il défend la vraie religion.
Certes, Sawwar brandissait ce
jour-là une excellente épée avec laquelle il coupait des têtes comme on les
coupe avec des lames de bonne trempe. C’était de son bras qu’Allah se servait
pour tuer les sectateurs d’une fausse religion, réunis contre nous.
Quand le moment fatal fut arrivé
pour les fils des blanches, notre chef était à la tête de ses fiers guerriers,
dont la fermeté ne s’ébranle pas plus que celle d’une montagne, et dont le
nombre était si grand que la terre semblait trop étroite pour les porter.
Tous ces braves galopaient à
bride abattue, tandis que leurs coursiers hennissaient. Vous avez voulu la
guerre, elle a été funeste pour vous, et Dieu vous a fait périr soudainement.
Saïd Ibn Suleiman Ibn Djoudi se tut.
Les convives fixaient Sawwar, attendant sa réaction. Leur maître était plongé
dans ses pensées et resta longtemps silencieux. Puis il éclata de rire :
— Mon cher Saïd, tu me donnes
bien du souci. J’imaginais le nombre de sacs d’or qu’il me faudrait te donner
pour récompenser à sa juste mesure ton talent. Mieux que personne ici, tu as su
trouver les mots pour chanter notre victoire et la modeste part que j’y ai
prise. Plus important encore, tu as parfaitement compris le dessein qui me
guide. Je suis, comme toi, un Arabe et j’ai été profondément meurtri par les
faveurs et les privilèges accordés à ces maudits muwalladun. Tu l’as dit,
jamais aucun des miens n’a accepté d’épouser une de leurs filles en dépit des
sollicitations pressantes dont ils étaient l’objet. Nous avons voulu conserver
la pureté de notre lignage et je suis prêt à tuer mon propre fils s’il osait
déroger à cette règle sacrée. Grâce à toi, je comprends mieux où est mon devoir
et je t’en remercie.
— Je te l’ai dit, noble
seigneur, seule compte pour moi la vérité.
— Ce serait t’insulter que de
t’offrir à nouveau une somme d’argent. Je donnerais l’impression de te traiter
comme un domestique et tu vaux mieux que cela. Tu as toutes les qualités d’un
chef et j’ai donc décidé de t’attacher à ma personne. Allah le Tout-Puissant et
le Miséricordieux nous a accordé la victoire et je l’en remercie. Rien n’est
réglé cependant. Les muwalladun de Kurtuba vont exiger de l’émir ma tête et
celui-ci la leur accordera. Je ne suis pas dupe de ses intentions. Abdallah m’a
envoyé guerroyer contre Omar Ibn Hafsun dans l’espoir que celui-ci
m’infligerait une défaite et me tuerait. J’ai déjoué ses plans et il cherchera
à se venger.
— Que comptes-tu faire ?
— Je suis lié par mon serment
et un Arabe ne renie pas sa parole. Dès demain, je repartirai en campagne et je
mettrai le siège devant Bobastro. J’ai besoin ici d’un homme de confiance et,
en dépit de ta jeunesse, tu me parais le plus indiqué pour occuper la fonction
de wali.
— Noble seigneur, je ne sais
comment te prouver ma gratitude.
— En me servant aussi bien par
tes gestes que par tes paroles.
Sawwar fut contraint de modifier ses
plans. Défaits, les muwalladun de la province appelèrent à la rescousse Omar
Ibn Hafsun pour ne pas solliciter l’intervention d’Abdallah. Le chef rebelle
leva une troupe considérable et marcha vers Granata, amassant au passage un
riche butin. Le chef kaisite se porta à sa rencontre dans l’espoir d’engager
une bataille en terrain découvert. Il savait admirablement manœuvrer ses
troupes et était sûr d’avoir le dessus. Le muwallad n’entendait pas lui faire
ce cadeau. Ses hommes étaient des bandits de grand chemin, des aventuriers de
la pire espèce ou de simples paysans avides de s’enrichir en pillant les
demeures abandonnées par leurs propriétaires. Ils refusaient le
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