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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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de
mer surtout quand ils ont bu du vin. Ils l’ont persuadé qu’il existait des
terres à l’ouest, à plusieurs semaines de navigation de Tingis. J’ai eu beau
lui expliquer le contraire, rien ne l’a fait changer d’avis. Il attend d’avoir
assez d’argent pour affréter un navire et se lancer à l’aventure.
    — Le laisseras-tu faire ?
    — La raison lui viendra avec
l’âge et je veille à ce qu’il ne fasse pas trop de bonnes affaires. Il lui
faudra encore de longues années avant de pouvoir s’offrir un bateau.
    — Ce n’est pas de tes soucis
familiaux dont tu veux m’entretenir.
    — Non, Sawwar, mais de tes
projets.
    — Je comprends tes inquiétudes.
Badjdjana a des murailles solides. Elles n’ont qu’un seul défaut. Vous manquez
de soldats pour les défendre et les miens n’auront aucun mal à s’en emparer.
    — Tu as vu juste. Si tu nous
attaques, je ne donne pas cher de nos vies. Une seule chose me chagrine :
tu perdras beaucoup au change.
    — Pourquoi ce ton
ironique ?
    — Le port d’al-Mariya vit des
richesses qu’apportent les navires en provenance d’Ifriqiya et d’Orient. Il est
réputé pour sa sécurité et parce qu’il dépend de notre ville. Si celle-ci est
détruite, plus aucun bateau n’accostera sur nos rivages.
    — Peu m’importe.
    — Pas si tu acceptes la
proposition d’Abd al-Razak Ibn Isa de te verser un tribut annuel de dix mille
pièces d’argent en échange de ta protection. C’est une grosse somme et tu en as
bien besoin.
    — Je constate que tu es bien
informé.
    — C’est mon devoir de l’être
pour assurer aux miens la tranquillité indispensable à la bonne marche du
commerce.
    — Pourquoi ne vous adressez-vous
pas à l’émir ?
    Saïd Ibn Aswad grimaça avant de
répondre :
    — Abdallah ne se soucie guère
de nous. Le peut-il d’ailleurs ? La révolte gronde dans le pays et tout
puissant qu’il est, il est incapable d’imposer son autorité à Omar Ibn Hafsun
et tolère tes agissements. Tu es notre seul recours.
    — Voilà qui est bien vu. Qui me
garantit que vous tiendrez parole ?
    — Tu sais comment nous nous
conduisons envers nos amis. C’est la meilleure assurance que tu puisses avoir.
D’ailleurs, je ne suis pas venu les mains vides. Je t’apporte vingt mille
pièces d’argent en signe de bonne volonté. Ce n’est pas une avance sur le
tribut, mais un cadeau destiné à t’honorer.
     
    Sawwar accepta la transaction non
sans arrière-pensée. L’engagement qu’il avait pris lui interdisait de réaliser
lui-même le projet qu’il avait soigneusement mûri. Mais son second, Saïd Ibn
Suleiman Ibn Djoudi, n’était pas lié par ce pacte. Il le convoqua et lui
ordonna d’attaquer Badjdjana avec la garnison de Granata. Le poète partit à la
tête de plusieurs centaines d’hommes mais revint bredouille à la suite d’un
extraordinaire hasard de circonstances. Alors qu’il se trouvait à deux jours de
marche de son objectif, le port d’al-Mariya fut attaqué par le comte
Saunier II d’Ampurias. Ce noble Chrétien pratiquait la course tout le long
des côtes africaines et ses navires semaient la terreur dans les ports. Cette
fois-ci, il avait jeté l’ancre devant al-Mariya, désireux de s’emparer des
nombreux bateaux de commerce. À Badjdjana, on se préparait au pire et la plus
grande partie des habitants avait pris la fuite. Fidèle à la tactique qui lui
avait toujours réussi, Abd al-Razak Ibn Isa décida d’acheter le départ de
l’ennemi et se rendit en personne auprès du pirate. Celui-ci parlait
parfaitement l’arabe et accepta d’épargner la cité moyennant le paiement d’une
grosse rançon. Le vieux chef berbère lui fit comprendre qu’il lui faudrait au
moins trois jours pour réunir la somme et Saunier lui rétorqua qu’à ce prix, il
aurait la patience d’attendre.
    Quand Saïd Ibn Suleiman Ibn Djoudi
approcha de Badjdjana, il aperçut au loin la flotte de Saunier et les navires
bloqués dans le port. Il en conclut qu’Abd al-Razak Ibn Isa, prévenu de son
arrivée, avait reçu des renforts et il préféra rebrousser immédiatement chemin plutôt
que de s’exposer à une humiliante défaite. Les sentinelles du comte Chrétien
avaient, elles aussi, signalé l’arrivée de plusieurs centaines de guerriers et
leur chef commit la même erreur d’appréciation que l’adjoint de Sawwar. Il
s’empressa de piller les entrepôts d’al-Mariya et prit la mer pour

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