Abdallah le cruel
commerces des
muwalladun. Djad et son frère envoyèrent immédiatement de petits détachements
interpeller les trublions et plusieurs d’entre eux furent exécutés en dépit des
supplications de leurs proches.
L’ordre revint progressivement et,
après deux semaines, le prince héritier estima qu’il n’avait plus besoin de
Djad et lui ordonna de retourner, avec la moitié de ses hommes, à Kurtuba. Sur
le chemin du retour, le général fut massacré avec tous ses soldats par de
mystérieux agresseurs. Seuls deux de ses hommes parvinrent à regagner
Ishbiliyah pour donner l’alerte. Mohammad les interrogea longuement et acquit
la certitude qu’il s’agissait d’une machination ourdie par Abdallah Ibn
Hadjdjadj qui, furieux d’avoir dû abandonner Karmuna, espérait certainement
qu’on accuserait les muwalladun de cet abominable forfait. Épuisé par de longues
nuits de veille, Mohammad décida de prendre quelques jours de repos dans la
résidence estivale des gouverneurs. Quant à Umaiya Ibn Abd al-Ghafir
al-Khalidi, il quitta Ishbiliyah pour organiser les obsèques de son frère,
confiant l’intérim de ses fonctions à l’un de ses officiers.
Prévenu de ces départs inopinés,
Abdallah Ibn Hadjdjadj rassembla ses partisans et les exhorta à venger leur
sauveur, le brave Djad, tombé sous le poignard des muwalladun. Un véritable
vent de folie souffla sur la cité. Des milliers d’hommes et de femmes se
répandirent dans les rues et massacrèrent tous les muwalladun qui n’avaient pas
eu la chance de pouvoir gagner la forteresse. Les somptueuses demeures des Banu
Angelino et des Banu Savarino furent incendiées et leurs propriétaires mis à
mort avec des raffinements de cruauté inouïs. Submergé par le nombre des
réfugiés et désireux d’assurer leur protection, l’adjoint du wali refusa
d’envoyer ses hommes patrouiller et disperser les émeutiers.
Sitôt prévenu de ce qui se passait,
Mohammad galopa à bride abattue jusqu’à Ishbiliyah. De retour dans la ville, il
institua un couvre-feu rigoureux ; de dix-huit heures à six heures du
matin, nul ne pouvait sortir de chez lui, s’il n’était muni d’un sauf-conduit.
Il ordonna aux soldats d’effectuer des perquisitions dans les maisons arabes et
les receleurs d’objets volés furent déférés devant des tribunaux composés, à
nombre égal, de notables arabes et muwalladun. Quand il revint en ville, Umaiya
Ibn Abd al-Ghafir al-Khalidi eut une entrevue orageuse avec Abdallah Ibn
Hadjdjadj. Il l’accusa d’avoir abusé de sa confiance et d’être le principal
responsable de cette ignoble tuerie. Nullement impressionné, le chef arabe le
toisa d’un air dédaigneux :
— Tu n’es qu’un domestique qui
obéit servilement aux consignes de ses maîtres. Je te plains car on t’oblige à
trahir tes frères arabes pour protéger des mécréants.
— Je ne suis pas certain
d’avoir très envie de protéger des individus de ton espèce. Tu es un vulgaire
meurtrier et Allah te demandera des comptes pour tes crimes.
— Je suis sûr qu’il
m’accueillera dans Son paradis car j’ai tué mon lot d’Infidèles.
— C’est ce que tu prétends.
Pour ma part, je suis convaincu que tu es l’organisateur de l’embuscade où mon
frère a péri.
— Oserais-tu m’accuser ? Je
te mets au défi d’apporter la preuve de ce que tu avances.
— Ne te fais aucune illusion,
j’y parviendrai.
Abdallah n’était pas mécontent de la
tournure prise par les événements à Ishbiliyah. Ses sujets muwalladun avaient
reçu une bonne leçon et se montraient beaucoup moins revendicatifs. Ils
craignaient pour leur sécurité et comprenaient que le monarque était le seul à
pouvoir les protéger. Il ne fut donc pas étonné outre mesure de recevoir la
visite du propre fils d’Omar Ibn Hafsun, avec lequel il eut un entretien plutôt
cordial :
— Je me réjouis de te
rencontrer, Djaffar. Ton père et moi nous querellons depuis des années. C’est
mon ennemi et pourtant je l’estime. Je n’ai pas oublié la générosité dont il a
fait preuve envers moi lors de la mort de mon frère Mundhir. J’étais resté sans
armée et il aurait pu en profiter pour m’attaquer. Au contraire, il m’a proposé
son aide et fourni une escorte afin que je puisse regagner Kurtuba. Je n’ai
jamais oublié ce geste et c’est pour cette raison que je t’ai reçu. Je ne te
cache pas que mes généraux voulaient te faire arrêter.
— Je m’en
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