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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Abdallah de lui porter le coup fatal. Les
deux vieux ennemis en étaient réduits, une fois de plus, à ouvrir des
négociations, bien décidés à ne pas respecter les clauses de l’accord qu’ils
finiraient par conclure en s’offrant mutuellement de nombreux présents.
Mutarrif et Djaffar se rencontrèrent dix, quinze, vingt fois. Leurs palabres
s’éternisaient, entrecoupées de banquets et de fêtes. Les deux jeunes gens,
aussi courageux que cruels, s’appréciaient et prenaient plaisir à évoquer les
mauvais tours qu’ils avaient joués à leurs adversaires respectifs. Mutarrif se
souvenait d’ailleurs des jours heureux qu’il avait passés à Bobastro après sa
fuite de Kurtuba. Savoir que leurs pères violeraient le traité qu’ils
signeraient ne les empêchait pas d’en discuter âprement la moindre clause. À
intervalles réguliers, l’un d’entre eux s’exclamait qu’on l’insultait, lui et
les siens, et qu’il rompait les pourparlers. Il se retirait sous sa tente,
attendant que la partie adverse envoie un émissaire chargé d’expliquer que tout
procédait d’un déplorable malentendu et qu’il convenait de reprendre les
discussions.
    Finalement, un accord fut
solennellement paraphé. L’émir accordait son pardon au rebelle et lui confiait
l’administration des territoires que celui-ci contrôlait et que lui-même aurait
été bien incapable de reprendre. En échange, le muwallad s’engageait à
participer avec ses troupes aux saifas pour lesquelles le souverain le
convoquerait. En gage de soumission, il enverrait à Kurtuba comme otage l’un de
ses fils, liberté lui étant laissée de choisir celui auquel incomberait ce
privilège peu enviable. Un matin, un jeune homme se présenta à l’entrée de
l’Alcazar et exigea d’être reçu par Mutarrif. Il prétendait être le fils d’Omar
Ibn Hafsun et venir résider dans le Dar Rahaim, l’ancienne maison des otages
utilisée autrefois pour les habitants de Tulaitula. Quand le prince arriva, il
éclata de rire. Cette vieille canaille d’Omar Ibn Hafsun ne changerait jamais.
Il avait envoyé l’un de ses fils adoptifs, car, parfois, pour honorer la
mémoire d’un guerrier particulièrement valeureux mort à son service, il
acceptait d’admettre sa famille au nombre de ses parents. Amusé, Mutarrif omit
de révéler la supercherie à Abdallah.
    Le chef muwallad lui était trop
utile pour le débarrasser d’un rebelle arabe qui avait déjà fait parler de lui
à plusieurs reprises, le poète Saïd Ibn Suleiman Ibn Djoudi. À la demande de
Mutarrif, Omar Ibn Hafsun l’attaqua, le tua et fit envoyer sa tête à l’émir,
accompagnée du poème que Saïd avait rédigé peu de temps auparavant et dans
lequel il se plaignait de la paix conclue entre le monarque et Omar. Le texte
était d’une rare violence :
     
    Va, messager, dire à Abdallah que
seule une prompte fuite peut le sauver, parce qu’un guerrier dangereux a dressé
l’étendard de la rébellion sur les rives du fleuve aux roseaux. Fils de Marwan,
rends-nous le pouvoir.
    C’est à nous, aux fils des
Bédouins, qu’il appartient de droit. Que l’on m’apporte vite mon cheval alezan
avec sa housse d’or car mon étoile brille plus que la sienne.
     
    Des copies de ce texte séditieux
circulèrent à Kurtuba, de même que les paroles de l’éloge funèbre rédigées par
un poète de Granata, Miqdam Ibn Moafa, qui déplorait la disparition de Saïd en
ces termes : « Qui nourrira et vêtira les pauvres, à présent que
celui qui était la générosité même gît dans le tombeau ? Ah ! que les
prés ne soient plus couverts de verdure, que les arbres soient sans feuillage,
que le soleil ne se lève plus, maintenant qu’Ibn Djoudi est mort. »
    Abdallah ordonna au hadjib de
diligenter une enquête pour savoir qui était à l’origine de la diffusion de ces
poèmes. Le maire du palais n’eut pas de mal à élucider ce mystère. Le coupable
n’était autre que le prince Mutarrif, soucieux de se gagner ainsi les faveurs
des dignitaires arabes les plus fanatiques. Il hébergeait dans sa propre
demeure un mécréant et un rebelle notoire, al-Asadi, qui, un soir de beuverie,
s’était enhardi jusqu’à proclamer : « Le vin que l’échanson me
présente ne recouvrera pour moi sa saveur qu’au moment où mon âme obtiendra ce
qu’elle désire, au moment où je verrai les cavaliers galoper à bride abattue,
pour aller venger celui qui naguère était leur

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