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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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les premières, les secondes s’expliquaient toutes par les vices qui habitent certains hommes…
    Druon bagarra pour chasser la vision d’un brasier, d’un poteau auquel avait été encordé un cadavre enveloppé d’une toile, au point que le reste de la confidence de Léon se perdit :
    — … Toutefois, à l’évidence, une telle créature si énorme et malfaisante ne peut être une volonté divine…
    D’une voix altérée, que les autres mirent au compte de son saisissement, le jeune mire demanda :
    — Que s’est-il ensuite passé ?
    La baronne reprit :
    — Mes chasseurs n’ont jamais aperçu la bête. Pas plus que Léon. J’en ai conclu qu’elle était fort rusée et ne s’attaquerait pas à une petite troupe… J’ai alors commis… une grave erreur dont j’accepte de porter le poids. J’ai séparé mes hommes, les pensant assez armés et aguerris pour résister à un fauve. On a retrouvé les lambeaux de chair et les viscères de l’un d’eux éparpillés sur plusieurs toises. Il avait été en partie dévoré.
    — La statue… n’oubliez pas la statue, madame, conseilla Igraine d’une voix légère en cassant deux noix au creux de sa longue main maigre.
    — En vérité, tu as raison. Peu après ce… carnage, on a retrouvé la statue de Saint Ouen pulvérisée au milieu de la nef de l’église du village. La peur s’est alors transformée en panique. Tous ont requis protection au château, qui, ainsi que vous l’avez pu constater à votre arrivée, n’est de loin pas assez vaste pour accueillir la totalité de mes gens.
    — Comme le malheur déteste la solitude et qu’il n’arrive jamais seul, une fièvre pulmonaire s’en est mêlée, tuant plusieurs dizaines d’enfançons ou de vieillards, intervint Igraine en inspectant du regard le plateau d’argent qu’elle était en train de terminer à elle seule.
    La baronne Béatrice approuva d’un signe de tête en vidant le fond de son verre pour l’emplir aussitôt. Elle s’éclaircit à nouveau la gorge avant de reprendre :
    — Les événements se sont emmêlés dans l’esprit de ces pauvres gens, en dépit de l’aide de Jean Lemercier, dit le Sage, le chef de village qui tente de ramener quelque mesure dans les raisons des uns et des autres. Ils en ont déduit qu’une effroyable malédiction pesait sur eux.
    — Vous ne croyez pas aux malédictions, madame ? interrogea Druon.
    Une lueur d’amusement passa dans le regard d’un bleu intense qui le fixait.
    — Que nenni : j’ai tant été maudite, et avec passion, que j’aurais trépassé dans d’ignobles tourments depuis belle heurette 6 si elles avaient quelque puissance ! Or ne suis-je pas bien vive pour une envoûtée ? Igraine vous le confirmera. J’ai navré de mon épée deux de ces minables sorciers dont j’avais appris les efforts rémunérés pour me faire crever, rongée de pustules. Aucun de leurs sortilèges, incantations ou maléfices n’a pu faire dévier le fil de ma lame qui les a transpercés à cœur. En revanche, je pense en avoir ainsi découragé d’autres de me porter ce genre… d’attentions.
    Igraine sembla s’intéresser à l’échange et renchérit :
    — Hormis pour les crédules et les nigauds, le seul pouvoir de ces jeteurs de sort est la terreur qu’ils inspirent, si forte que leurs victimes se rendent malades au simple fait de se savoir ensorcelées.
    Druon se souvint d’une histoire que lui avait contée son père et se l’appropria, en remerciant à nouveau cet homme merveilleux qui le protégeait d’où il se trouvait :
    — Je suis en accord avec vous, mesdames. J’ai un jour guéri une patiente dont le ventre ne dégonflait pas et la faisait se tordre de douleurs. Elle était si certaine d’avoir été ensorcelée qu’aucune de mes potions ou embrocations 7 ne la soulageait. J’ai eu recours à un subterfuge, dont je ne suis guère fier puisqu’il s’agissait d’une menterie. J’ai tiré une fiole d’eau pure de mon sac en lui affirmant qu’elle avait été bénite par la main de notre Saint-Père Clément* et que nul sortilège ne pouvait y résister. J’en ai versé quelques gouttes sur son ventre distendu. Deux jours plus tard, il avait dégonflé et elle courait tel un cabri.
    — Il n’en demeure pas moins que ce n’est pas avec de l’eau, bénite ou non, que nous viendrons à bout de l’épouvante qui nous frappe, intervint Léon d’une voix tendue. Car la baronne ne vous a

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