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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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hypocrites. Le venin jaillira des deux côtés.
    Pour Omar et ceux des compagnons qui s’irritaient, il eut encore d’autres mots :
    — Pas d’impatience ! Dieu entend le mensonge des douteurs. Cette épreuve, Il veut nous voir l’affronter. Ne vous laissez pas abuser par les insultes d’‘Abdallâh ibn Obbayy. Où est la grande victoire des Mekkois à Uhud ? Ils ont épuisé trois mille guerriers pour rien. Dieu n’a pas laissé ces mécréants repartir les couffins chargés de butin, et leur idole de bois ne les a pas rendus plus riches d’une seule datte ! Abu Sofyan sait que, la prochaine fois, il lui faudra plus de trois mille cuirasses pour nous affronter. Ce n’est pas demain qu’il les tiendra sous sa selle ! Mais on le connaît. D’ici là, il voudra nous frapper selon ses vieilles manières : en rampant dans la poussière et dans les coins fangeux. Dieu ne vous demande pas encore de sortir les nimcha des fourreaux, mais de prendre garde à chaque ombre sur vos chemins. C’est le degré de votre confiance en Sa sagesse qu’il veut mesurer.

Le poids d’être femme

1.
    Voici la suite.
    Nous fîmes ce que Muhammad exigeait. Nous vécûmes comme si les ricanements et les insultes ne résonnaient pas sur nos talons dès que nous nous éloignions de nos maisons. En vérité, l’effort était trop grand pour qu’il soit sincère. Notre indifférence n’était qu’une grimace. La colère crispait nos ventres. Telle une maladie, elle corrompait notre jugement et nos émotions.
    Un jour, Hafsa ne me rejoignit pas comme d’ordinaire après la prière du matin. Je m’en inquiétai. J’attendis un moment avant de questionner Barrayara. Elle non plus ne l’avait pas vue depuis l’aube.
    — Ton époux n’aurait pas dû sortir de ta chambre ce matin, me reprocha-t-elle.
    Muhammad avait passé les trois dernières nuits avec moi. C’en était une de trop. Selon nos accords, il aurait dû rejoindre Hafsa la veille. Ces irrégularités arrivaient rarement, et presque jamais sans que notre époux ne les excuse par avance. Mais parfois, lorsque les affaires de Madina le tourmentaient jusqu’à lui ôter le désir de dormir, il débattait sans fin avec ses compagnons, puis se faisait faire d’interminables lectures, écoutait ensuite les uns et les autres et, après les avoir tous épuisés, il priait et priait, espérant que la clémence de Dieu guide ses choix. Et enfin seulement, terrassé de fatigue, il poussait ma porte toute proche pour s’écrouler sur ma couche sans même une parole.
    Tout cela, Hafsa le savait. Mais je connaissais son caractère changeant, parfois brutal. Je me décidai à aller pousser la tenture de sa chambre pour subir ses reproches et lui présenter mes excuses. Elles auraient été sincères. Plus le temps passait, plus je l’aimais comme une soeur. Contre ma jalousie première se dressait notre amour commun pour notre époux. Il nous rapprochait. Aucune mauvaise pensée ne devait souiller cette tendresse si rare entre épouses.
     
    — Hafsa…
    Elle était recroquevillée sur sa couche comme un animal. Elle portait sa tunique de nuit. Son col était trempé de larmes et de mauvaise sueur. Elle crispait les mâchoires comme si on venait de la battre.
    — Hafsa ! Hafsa ! Que se passe-t-il ? Es-tu malade ?
    Il me fallut un long moment pour l’apaiser et parvenir à comprendre la source de son malheur. Quand enfin elle put desserrer les dents, ce fut pour me dire que son père, Omar, était venu la visiter à la pointe de l’aube. Elle s’apprêtait à rejoindre la prière des femmes. Il l’en avait empêchée avec des mots terribles.
    Hafsa était une fille pleine de ressource et d’esprit. Son caractère, comme je l’ai déjà dit, beaucoup le redoutaient. Parfois, pour une bonne ou une mauvaise raison, elle tenait tête même à notre époux. Le seul être capable d’en faire une fille peureuse et soumise était son père.
    En vérité, toute sa vie elle le redouta. Je l’ai vu de mes yeux. Son père l’effrayait autant qu’un fauve imprévisible. Cela ne venait pas de sa force peu commune, bien que longtemps il fût assez puissant pour broyer quiconque entre ses mains. Depuis son plus jeune âge, Hafsa subissait la détestation d’Omar envers les femmes. Dieu saura me juger si je dis le faux.
    Toi qui me lis, sache qu’Omar ne me fut pas toujours opposé. Mon opinion ne dissimule pas une rancoeur secrète. Qu’Allah le tienne près de

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