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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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les batailles, nous chantons et vous soutenons, au risque de nos vies et de notre pureté. Cela vaut une part des victoires. Qu’en penses-tu ?
    La fureur empourpra Omar, lui ôtant le souffle.
    — Comment oses-tu !
    — Omar, ne sois pas si rapide dans ton raisonnement. Considère le bon et le juste. Chevaucher un cheval, tirer l’arc et lever la nimcha, abattre l’ennemi te donnent des droits. Qui s’en plaindrait ? Si tu es capturé, tes frères, oncles et fils paieront ta rançon. Mais que l’ennemi puisse la chevaucher et en faire son esclave si tu es vaincu, voilà qui devrait donner des droits à ton épouse. Le risque n’est pas moins grand d’un côté que de l’autre. Nous, femmes, nous payons la défaite des hommes au combat par les fruits pourris de nos ventres. Cela ne mériterait-il pas un butin ?
    Omar en resta muet. Le vent de la colère l’emporta sans une réplique, et à sa suite tous ceux qui partageaient sa rage. Omm Salama pâlit. Hafsa saisit ma main. Les paroles étaient inutiles : chacune d’entre nous devinait qu’Omm Salama venait de franchir une limite. Et que cela ne lui serait pas pardonné.
    Elle chercha mon regard et mon soutien. Je lâchai la main d’Hafsa et me détournai sans un mot pour rejoindre ma chambre. J’en refermai la porte.
     
    Plus tard, je comprendrais que j’avais commis là une faute tout aussi impardonnable qu’Omm Salama un moment plus tôt. Il est vrai que j’étais furieuse contre elle. Les disputes et les conflits n’ont jamais été dans ma nature. J’admirais et redoutais d’autant plus l’intransigeance d’Omm Salama.
    Allah m’est témoin que j’approuvais en entier sa volonté de justice, mais en cet instant-là je lui en voulais déjà de ce qu’il allait advenir. Je connaissais assez le père d’Hafsa. Il n’aurait de cesse que notre époux ne nous punisse de l’affront qu’il venait de recevoir. Et cela, même Omm Salama ne pourrait l’empêcher.

2.
    Il ne fallut pas attendre longtemps.
    Cette nuit-là, notre époux ne partagea la couche d’aucune d’entre nous. Sa voix, celle de mon père, celles d’Omar et de quelques autres résonnèrent dans la mosquée bien après le milieu de la nuit.
    À l’aube, quand Bilâl chanta et que je poussai ma porte, je trouvai Talha devant moi. Sa tristesse et sa pâleur m’inquiétèrent tant que je lui demandai si ses blessures le faisaient souffrir.
    — Oh non, qu’Allah soit mille fois béni ! Et heureusement, car je vais bientôt avoir besoin de tout mon corps pour défendre l’Envoyé !
    Ces mots me firent sursauter d’effroi. Talha me pressa dans l’ombre de la masdjid où les uns et les autres arrivaient.
    — Aïcha, chuchota-t-il, je n’ai pas beaucoup de temps. Je voulais te voir une dernière fois, car bientôt cela ne sera plus possible.
    — Talha, de quoi parles-tu ?
    — De la guerre contre les mécréants et de la fitna [21] des Croyants qui rôdent autour de nous et vont nous abattre si nous n’y prenons pas garde !
    En quelques mots durs, Talha m’annonça ce qui nous attendait.
    Alors que nous nous disputions autour des idées d’Omm Salama, les Juifs de Khaybar avaient donné asile aux Banu Nadir exilés de Madina par Muhammad. L’assassinat de leur chef, Sallàm ibn Ab’ al Hoqaïq, deux ans plus tôt, n’était pas oublié. Ensemble, ils s’étaient juré de se venger des Croyants d’Allah. Ils avaient même contacté les Mekkois.
    — Cela leur a pris huit saisons pour s’entendre sans que nous nous en apercevions. C’est chose faite, soupira Talha. Abu Sofyan a réuni tous les mécréants du Sud qui veulent rouvrir la route du Nord pour leurs caravanes. Ensemble, ils seront dix ou quinze mille pour nous combattre.
    — Quand ? fis-je en laissant échapper un cri.
    — Deux lunes, trois lunes… Dès que la saison sera bonne pour eux. Je ne sais pas si nous arriverons à réunir autant de guerriers qu’eux. Une fois de plus, sans les anges d’Allah, nous serons vaincus.
    J’avais du mal à trouver mon souffle. J’avais connu Badr. J’avais connu Uhud. Je savais ce qui nous attendait.
    — Ce n’est pas tout, dit Talha, baissant un peu plus la voix et se retournant pour s’assurer qu’il pouvait encore me parler. Omar est venu devant l’Envoyé hier soir. Il a dit : « Nâbi, crois-tu qu’il soit bon à Allah que tes épouses aillent et viennent aux yeux de tous comme elles le font ? Qu’elles soient soumises aux

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