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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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soucis secrets.
    En vérité, c’était le plus sûr moyen de passer le temps qui nous rapprochait de la couche sans que rien n’apparaisse de ce qui nous déchirait le coeur. Après quoi, la fatigue lui fermait les paupières plutôt que la tendresse. Une fatigue tout aussi sincère que l’affection qui, de temps à autre, revenait un peu dans ses paumes, même brève et d’une maladresse qui n’était pas dans sa nature.
     
    Allah connaît mon coeur et en sait toutes les vérités. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais Lui mentir. Pour la première fois, dans ces jours terribles, je sentis mon bien-aimé devenir vieux. Le soupçon s’empara de moi. Mon époux se comportait-il pareillement avec Omm Salama et Hafsa ? Je n’osai pas le leur demander.
    Une pareille épreuve aurait dû nous rapprocher, nous, ses épouses. Ce fut tout le contraire qui advint. L’aigreur à la bouche, nous nous détournâmes les unes des autres.
    Que cela soit écrit et lu : j’y contribuai. Allah, je le sais, le pèsera dans la balance de mon Jugement.
    J’en voulais à Omm Salama. À peine avait-elle rejoint notre maisonnée qu’elle en avait défait la bonne entente. Les causes qu’elle défendait étaient justes et son courage ne faiblissait pas. Cela, je l’admirais. Mais n’avait-elle pas le double de notre âge ? N’avait-elle pas fait étalage, devant moi, de sa sagesse de mère ? Elle prétendait connaître l’arrogance et le mépris des hommes mieux que nous. Mais n’avait-elle pas affronté Omar ibn al Khattâb avec la rage et l’insolence d’une fille sans cervelle ?
    Quelle maladresse impardonnable !
    Et Hafsa était si craintive et si honteuse du visage mauvais que révélait son père qu’elle se terrait dans sa chambre. J’aurais pu aller la prendre dans mes bras comme la soeur précieuse qu’elle m’était devenue. L’envie ne m’en vint pas. Dieu qui sait tout sait pourquoi.
     
    Je suis trop vieille pour ne pas reconnaître les poisons qui m’ont infectée. Durant les nuits que notre époux passait dans la couche de la fille d’Omar, je ne pouvais pas m’empêcher de tendre l’oreille et de guetter les signes du plaisir qu’il lui donnait. Une pensée noire, une crainte folle m’étaient venues, fruits pourris de la peine et de la colère : l’Envoyé gardait-il pour Hafsa ce désir qu’il ne montrait plus dans ma couche ? Voulait-il plaire aussi de cette manière à Omar, dont il avait tant besoin pour combattre les Mekkois ?
    Car la guerre qui approchait faisait trembler tous les Croyants de Madina.
    Ainsi va l’injustice qui coule en permanence dans notre sang si Allah n’y met bon ordre. Je ne pouvais m’empêcher de maudire chez la fille la faute du père. Et il fallut presque une demi-lune pour que la raison me revienne et que je me soucie autant de ce qui se passait hors de nos murs que dans mon coeur et dans ma couche.
    Que Barrayara siège parmi les anges jusqu’à la fin des temps ! Une fois encore, ce fut elle qui me sauva.

3.
    Un matin, peu avant le repas, Barrayara poussa la tenture de ma chambre. Elle prit place sur le tabouret où mon époux avait l’habitude de s’asseoir et saisit mes mains. Elle parla à voix si basse que nos fronts se touchaient.
    — Cela suffit ! Je suis allée devant ton père Abu Bakr. Je lui ai dit : « Tu ne peux pas laisser ta fille dans l’ignorance. L’Envoyé n’ose plus ouvrir la bouche devant elle de crainte de déplaire à Omar. Chez nous, dans le quartier des épouses, on ne rencontre que des regards baissés et des nuques courbées. Hors de nos murs, Madina claque des dents en pensant à la venue des Mekkois. Le jour est proche où l’Envoyé aura besoin de ta fille pour entendre Djibril. Cela ne se pourra pas si elle demeure la dernière des ignares. » Ton père a pris le temps de réfléchir. Mais il savait que j’avais raison. Aïcha, ouvre grand tes oreilles. Voici ce que tu dois savoir.
     
    Ma vieille servante me répéta, avec plus de détails, ce que Talha m’avait déjà appris. De partout dans le Hedjaz arrivaient les mêmes mises en garde : Abu Sofyan avait réuni une armée comme jamais encore un Mekkois n’avait pu en rassembler une. Cela avait exigé presque deux années depuis la bataille d’Uhud, mais c’était désormais chose faite. Des Juifs de Khaybar aux païens de Taïf, des hypocrites nichés tout au long de la route de Mekka à Madina aux mécréants des plaines du Gadir Khum,

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