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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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cela n’a rendu un homme plus aimant. Notre époux a le coeur grand et, Inch Allah, le goût de l’amour ne lui passe pas. N’exige rien de plus et demain la nouveauté d’Omm Salama n’en sera plus une.
    Hafsa sut toujours deviner mieux que moi la vérité des hommes. Même si les choses ne se passèrent pas comme elle s’y attendait. Mais cela est pour plus tard.
     
    Donc chacune et chacun virent que la compagnie d’Omm Salama comblait notre époux de bonheur. Et un jour, d’un geste simple qui stupéfia tout le monde, il la fit asseoir à son côté sous le tamaris. Dans la plus grande discrétion, il avait même acheté pour elle un tabouret recouvert de cuir vert, sa couleur préférée.
    À mon père Abu Bakr qui ne pouvait cacher son étonnement, il répéta ce qu’il m’avait dit :
    — Omm Salama me rappelle le temps de Khadija. À toi aussi, la sagesse d’Omm Salama rappellera ce temps où tu m’es devenu aussi proche qu’un doigt de ma main.
    Mon père approuva, embarrassé. Omar était là, lui aussi. Son regard sur Omm Salama était très différent. Comme tous les hommes présents, il s’aveuglait à sa beauté, mais redoutait ses paroles, comme si elles pouvaient briser son plaisir ainsi qu’un coup de pied fracasse une jarre fragile.
    C’est ce qui arriva.

Une voix s’élève

1.
    L’été de leurs épousailles n’était pas achevé que notre époux prit l’habitude de réclamer l’opinion d’Omm Salama lorsque les Croyants de Madina venaient le consulter.
    En ce temps-là, il n’était pas un jour sans que les uns et les autres exigent de lui conseils et justice pour l’ordre et la vie dans leurs maisons. Après un mois ou deux, chacun remarqua que les avis d’Omm Salama pesaient lourd dans les réponses de l’Envoyé. La surprise passée, chacun s’en félicita. L’éloge de l’esprit et de la finesse d’Omm Salama courut sur toutes les lèvres. Omar lui-même chanta haut ses louanges :
    — Allah a béni deux fois la nouvelle épouse de notre nâbi ! Elle ne s’en laisse pas compter. Elle sait discerner la fausseté sous la queue d’un scorpion. En voilà enfin une qui n’est pas sensible aux chamailleries qui occupent tant les femmes !
    Notre époux affichait le plaisir que lui procuraient ces jugements. La réputation d’Omm Salama fila plus vite que les criquets de printemps. Dès qu’il s’agissait d’héritage entre époux, de divorce et de répudiation, de la bonne justice entre les parents et les enfants, les quémandeurs se tournaient vers Omm Salama, qu’ils fussent anciens Croyants ou ansars, aws et khazraj de Madina. Jamais nul ne contestait ses avis.
    Avant l’hiver nouveau, les épouses, mères, soeurs, filles s’adressaient directement à elle.
    — À quoi bon déranger le nâbi ? disaient-elles. Ne se tournera-t-il pas vers toi pour connaître ton jugement ? Il a bien d’autres choses à faire que de régler nos histoires de maisonnée.
    Notre époux en fut enchanté, et ses compagnons ne protestèrent pas. Plus d’un afficha même sa satisfaction. Les heures passées sous le tamaris à trancher des disputes qui se ressemblaient toutes les lassaient depuis longtemps.
    Puis un jour, après que l’Envoyé eut parlé du haut de l’escalier sacré de la masdjid, Omm Salama demanda :
    — Bien-aimé Apôtre, pourquoi, dans tes Écrits, Dieu s’adresse-t-Il toujours aux hommes et jamais aux femmes ?
    Notre époux, surpris, haussa les sourcils. Il ne répondit pas. Autour de lui se répandirent des sourires et des regards entendus. Pour une fois, Omm Salama ne se montrait pas aussi avisée ni aussi pertinente que d’habitude…
    Plus tard, alors qu’Hafsa et moi étudiions, lisant et recopiant les textes anciens, Omm Salama nous rejoignit. Après un moment de silence et cherchant mon regard, elle demanda :
    — Aïcha, toi qui te souviens de chacun des mots de l’ange Djibril à notre époux, te rappelles-tu s’il parle des femmes comme Il parle des hommes ?
    — Non, admis-je après un moment d’embarras.
    — Pourquoi ? insista Omm Salama, comme si je connaissais la réponse à sa question. Ne valons-nous pas autant qu’un homme aux yeux d’Allah ?
    Hafsa se mit à rire.
    — Sûrement pas ! On le sait depuis longtemps. Sinon, pourquoi trois, quatre ou dix épouses pèsent-elles du même poids qu’un époux ?
    Omm Salama acquiesça sans sourire à la plaisanterie.
    — Oui, c’est un fait, dit-elle. Mais, aux

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