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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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il avait regroupé autour de lui des milliers de combattants.
    — Certains disent quinze mille, d’autres dix mille, d’autres vingt mille ! chuchota Barrayara en roulant les yeux. Pour réussir cela, les promesses d’Abu Sofyan et de ceux de Khaybar ont volé comme des sauterelles ! Si nous sommes vaincus, les Mekkois donneront le tiers de leurs caravanes du Nord aux tribus des plaines. Et ceux de Khaybar donneront pendant deux ans la moitié de leurs récoltes de dattes aux Juifs des montagnes. Voilà comment sont ces chiens de mécréants : ils croient que la victoire est déjà sous leurs semelles et dansent sur nos cadavres.
     
    Ces nouvelles avaient beau n’être pas neuves pour moi, à les entendre je fus saisie de honte et de terreur. Cette folie de silence, de défiance et de jalousie m’avait fait oublier la menace qui pesait sur nous ! Soudain, dans la bouche de Barrayara, par ces nombres terribles, elle devenait réalité ! L’avertissement de Talha me revint à l’esprit : « Une fois de plus, sans les anges d’Allah, nous serons vaincus. »
    Devinant l’effroi qui m’écarquillait les yeux, Barrayara ajouta vivement :
    — La peur m’a cassé les reins comme aux autres quand j’ai appris le nombre de nos ennemis. Ton père m’a rabrouée : « Ne sois pas sotte, vieille femme ! Cinq mille, dix mille, vingt mille, quelle importance ? Dans Madina, les hypocrites sont plus nombreux que les sincères. Et nous pouvons compter sur trois ou quatre mille guerriers : ceux d’Uhud et quelques autres qui, depuis, nous ont ralliés. Qu’Allah pose Sa main sur nous !»
    Je ne pus m’empêcher de crier :
    — Trois mille ! C’en sera fini de nous !
    Qu’au jour du jugement Allah me pardonne mon peu de foi !
    — C’est exactement ce que j’ai lancé à ton père, me répondit Barrayara. Il m’a dit : « Ne blasphème pas ! Se fier au nombre, c’est penser comme les païens et les hypocrites d’Abu Sofyan. Rien ne se fera sans qu’Allah l’ait voulu. Crois-tu que c’est le dieu de bois des Mekkois qui va décider du vainqueur et du vaincu ? Allons ! La vérité, la voici : les anges d’Allah seront avec nous ou ne le seront pas. Le jugement de Dieu commence maintenant. Si nous méritons la victoire, il en est Un seul qui le sait. »
    Comme j’avais envie de croire les mots de mon père !
    — Inch Allah, murmurai-je. Mais notre maison a changé. L’ange Djibril voudra-t-il s’y présenter ?
    Barrayara m’adressa un regard lourd de reproches :
    — Aie confiance en ton époux ! Alors que chacun est pétrifié de terreur, jamais il ne s’est montré aussi calme et sûr de lui. Ne doute pas : il va avoir besoin de toi.
    Barrayara s’interrompit avec une grimace de mépris :
    — Le vrai, c’est que, dans Madina, beaucoup ne croient pas à la venue des anges. Ils préféreraient voir des cuirasses, des casques et des épées. Omar est très bon pour cela. Il s’agite d’un bout à l’autre de l’oasis. Il paraît qu’il a déjà plus de mille chevaux sous ses ordres et trois fois plus d’archers. Aux yeux de la jeunesse de Madina, il est un héros. C’est pour cela que l’Envoyé s’appuie sur lui. Omar ibn al Khattâb est le seul à pouvoir rassurer ces têtes molles.
     
    Une servante appela depuis l’autre côté de la tenture : elle nous apportait à boire et à manger. Barrayara se leva pour la laisser entrer. Quand l’esclave fut repartie, Barrayara se moqua :
    — Te voilà traitée comme une princesse, maintenant ! Omar a réussi cela : faire des épouses de l’Envoyé des petites reines qu’il faut servir comme si Dieu les avait déposées sur une couche de soie.
    Elle claqua la langue avec une moue éloquente, mais ne me laissa pas le temps de protester :
    — Il y a autre chose que tu dois savoir, ma fille. Puisqu’on ne parle que d’épées, de cuirasses, d’arcs et de flèches, Fatima se tient de nouveau à la gauche de son père.
    — Mais elle vient tout juste d’enfanter !
    — Elle fait tout ce qu’il faut pour que son ventre passe sous le corset de cuir. Elle y arrivera, Inch Allah. Mais la leçon d’Uhud a porté. Elle se montre moins arrogante et ne donne pas des ordres à tout un chacun. Talha lui-même assure qu’elle devient un exemple pour tous. Son arc et ses flèches imposent le respect.
    — Mais son fils… Hossayn… le petit-fils de Muhammad, elle devrait…
    Barrayara leva la main pour me

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