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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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faire taire. Ce que j’allais dire, elle le connaissait d’avance. Elle posa sa paume tiède sur ma joue et approcha mon visage de sa bouche :
    — Fatima est Fatima, murmura-t-elle. Allah et l’Envoyé le veulent ainsi. Accepte ce qui est.
    Elle s’écarta avec un grand sourire railleur.
    — Ne t’inquiète pas pour le petit Hossayn, dit-elle. Il est entre de bonnes mains. Sa mère s’est beaucoup rapprochée de la nouvelle épouse…
    — Omm Salama ?
    — Qui mieux qu’elle saurait élever le petit-fils de l’Envoyé ? Ali et Fatima sont très occupés par la guerre qui s’annonce, et Omm Salama a eu plus d’enfants qu’il ne lui en faut. Elle sait s’y prendre. C’est un bon arrangement. Tu ne vas pas le leur reprocher ? Ton époux, qui est plus sage que nous en toute chose, s’en montre très heureux.
    L’ironie de Barrayara compensait tout ce qu’elle ne disait pas. Ainsi, Omm Salama avait trouvé le moyen de répliquer à Omar tout en plaisant à notre époux. Chacun savait combien Omar s’exaspérait de la place de Fatima auprès de l’Envoyé et combien Fatima détestait les épouses de son père. Omm Salama s’offrait le plaisir de provoquer Omar une fois de plus, tout en offrant son amitié à Fatima, si solitaire. Barrayara, qui n’ignorait aucune des ruses de la maisonnée, ne pouvait qu’applaudir.
    — Omm Salama n’est pas née d’hier, fit-elle avec un signe d’approbation. Il est de son devoir de protéger sa place et son bien. Tant mieux pour elle. Mais toi, tu dois cesser de faire ta tête de mule. Tu aimes Hafsa comme une soeur. À quoi bon vous punir en ajoutant du silence au silence ? Réconciliez-vous. Allah sera content, et vous aussi, quand il vous faudra trouver des bras pour pleurer.

4.
    Comme toujours, Barrayara avait raison. Je ne fus pas longue à me retrouver dans les bras d’Hafsa et à essuyer ses larmes autant que les miennes. Elle qui ne bénéficiait ni de l’amour inconditionnel de ma vieille servante, ni de la bienveillance nouvelle d’Omm Salama pour Fatima, était la plus isolée et la plus désolée des épouses. J’eus honte de moi, de ma jalousie égoïste. Pourquoi Dieu nous laisse-t-Il nous fâcher contre ceux que nous aimons ? Pour que nous puissions mesurer ce que nous perdons en les négligeant ?
    Le bonheur de nous retrouver fut si grand que nous prîmes une décision un peu folle. Plus tard, elle devait me coûter beaucoup. Hafsa me dit :
    — Les nuits sans l’Envoyé dans ma couche sont trop nombreuses, maintenant que nous sommes trois épouses. Seule, je ne dors plus. J’ai peur de tout. Un bruit, et je crois que les Mekkois sont déjà à nos portes. Et personne pour parler ! J’ai besoin de parler. Je ne peux pas rester comme ça, des jours et des nuits cachée derrière ces voiles et ces tentures qui me séparent de tout.
    Je comprenais trop bien sa plainte.
    — Hafsa, quand l’Envoyé est chez Omm Salama, dormons ensemble. Il n’y a aucun mal à cela.
    Barrayara s’y opposa dès qu’elle le sut :
    — Tu ne peux pas dormir avec Hafsa dans ta chambre ! Elle n’est pas semblable à toutes les chambres. Ta porte donne sur la mosquée. Ta couche est celle de l’Envoyé.
    — La couche d’Hafsa est tout autant celle de notre époux. Ne fais pas cette grimace. J’y ai pensé. Hafsa ne viendra pas chez moi, c’est moi qui irai dormir chez elle. Je n’ai que dix pas à faire. Je la rejoindrai à la nuit. Personne ne s’en apercevra, pas même les servantes.
    — Ce n’est pas une bonne idée…
    — Nous mettre à l’écart de tous ne l’est pas non plus.
     
    L’angoisse qui nous serrait la gorge à chaque réveil dénoua son étau. Bon gré mal gré, Barrayara l’admit. Elle prit ses précautions. Avant même l’appel à la prière de Bilâl, elle levait la portière de la chambre d’Hafsa. Dans l’obscurité, et avant de me raccompagner dans ma chambre, elle nous racontait les rumeurs de la veille. Celles-ci serpentaient dans les cuisines autant que des fumées.
    Un jour, Barrayara dit :
    — Des paysans sont accourus de la montagne pour annoncer qu’Abu Sofyan et ses troupes approchent. Ils seraient à deux jours de chameau dans la montagne du Sud. Omar conseille à l’Envoyé d’aller à leur rencontre. Il dit : « Ô Apôtre, tu dois montrer aux Mekkois que rien ne t’impressionne, et surtout pas leur nombre. »
    — Mon père est fou ! s’exclama Hafsa en agrippant mon

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