Aïcha
pour retourner les miens.
Mais je ne pus cacher la distance envers l’Envoyé qui me saisit ce soir-là. Je fus incapable d’imiter la clémence de Dieu. Il ne m’en fit pas le reproche. La leçon vint d’ailleurs.
Et ce n’est ni moi, ni Hafsa, ni Omm Salama qui allâmes porter la bonne nouvelle à Zaïnab. Barrayara désigna une femme de la maison.
Quand Zaïnab entendit les mots que l’Envoyé avait mis dans la bouche de la servante, elle s’exclama bien haut :
— Ah, voilà ! Le Prophète s’est marié avec ses autres épouses. Moi, c’est Allah qui me marie avec lui.
Une arrogance dont la belle Zaïnab éprouva bien assez tôt le poids.
La bataille du fossé
1.
Cette affaire fut comme un signe. La menace des Mekkois et des Juifs de Khaybar s’aggrava.
Livide, Barrayara annonça :
— Omar a payé un marchand pour lui rapporter les rumeurs qui courent au grand marché de Mekka. Les Juifs de Khaybar y répètent leurs mensonges pour attirer les païens. Ils disent : « Chaque jour que Dieu fait, nous souffrons à cause du faux nâbi de Madina. Si nous marchons ensemble, il ne tiendra pas trois jours. Madina s’ouvrira à nous comme une figue mûre. » Abu Sofyan se montre si sûr de lui qu’il a choisi la date de son entrée dans Madina : à la prochaine lune, au mois de ramadan. Le dieu de bois d’Abu Sofyan aurait exigé cette date anniversaire de la bataille de Badr. Les païens chantent et dansent autour de la Pierre Noire pour que les morts de Mekka soutiennent les vivants au moment d’affronter nos guerriers.
La nouvelle alarma toute l’oasis. Même les hypocrites comme ‘Abdallâh ibn Obbayy vinrent dans notre cour pour tenter d’en apprendre davantage. L’Envoyé les attendait sous le tamaris. Selon la règle du hidjab, nous, les épouses, ne pouvions nous y montrer, mais Barrayara rapporta si bien ses paroles que nous crûmes les avoir nous-mêmes entendues :
— Ô vous qui m’écoutez, dit le Messager d’Allah, ne vous laissez pas infester par les mensonges des infidèles ! Les Mekkois ne s’empareront pas de vos maisons ! Et je vivrai assez longtemps pour entrer dans la sainte Ka’bâ et la purifier de cette engeance qui l’infeste. Allah m’a envoyé un rêve ! Les païens se masseront devant nous, leurs chevaux et leurs arcs piétineront la poussière et leurs flèches s’élèveront. Mais, malgré leur nombre, vous les verrez aussi impuissants que s’ils étaient sans bras ni jambes. Ceux qui ne craignent pas l’épreuve qu’exige Allah seront récompensés. Les autres, le Tout-Puissant soldera leurs comptes au moment venu.
Barrayara baissa la tête, pleine d’embarras.
— Le Messager n’a parlé que d’un rêve. Chacun a compris ce que cela signifiait : Allah n’a pas promis d’envoyer Ses anges contre les païens. Aujourd’hui, la peur dans Madina est si forte que les mots de l’Envoyé sont une semence stérile. Les gens disent : « Les rêves ne sont que du vent. Qui peut croire que les dix mille combattants d’Abu Sofyan nous épargneront ?» Ils disent : « Muhammad ibn Abdallâh a perdu son Dieu. Il parle pour ne rien dire. Restons chez nous, les coalisés d’Abu Sofyan ne s’en prendront qu’à ceux qui suivent le faux nâbi. » Maintenant, le doute rampe même parmi nos guerriers.
Toutes ces paroles terrifièrent Hafsa. Elle se tordait les mains en répétant :
— Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! Pourquoi notre époux ne demande-t-il pas l’aide de Djibril comme il l’a fait à Badr ?
Pour dire le vrai, je pensais la même chose. Notre époux serait-il entré dans ma chambre que je l’aurais supplié de le faire. Mais je ne le voyais plus : il passait ses nuits dans la couche rembourrée de Zaïnab. Lorsqu’il me croisait dans la mosquée, il protestait contre le mauvais accueil que je réservais à sa nouvelle épouse. En punition, il ne me visitait plus selon la règle ordinaire.
Il ne me restait plus qu’à compter les jours qui nous séparaient encore de l’anniversaire de la bataille de Badr.
Vingt jours… Je me préparais à rejoindre Hafsa après la prière du soir quand Muhammad poussa ma porte. Il ne me laissa pas le temps d’exprimer ma joie. Il jeta son manteau sur les coussins. Je vis ses yeux. Je sus…
Quel bonheur de savoir l’ange Djibril revenu !
Malheureusement, mon visage radieux se ternit vite. Ce ne furent pas les mots tant espérés que
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