Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
qu'o~ avait érigé près du sanctuaire en remerciement pour les dépouilles enlevées aux Phocéens au cours de la guerre sacrée portait des taches de sang.
Les devins qui s'occupaient de ces présages affirmaient que la toile d'araignée, à l'intérieur du temple, signifiait que les dieux abandonnaient la ville; et son irisation, une série d~ malheurs. Les statues qui transpiraient présageaient une~ catastrophe menaçante, l'apparition du sang en de nombreu~ lieux annonçait un massacre imminent.
Ils conclurent donc que tous ces signes étaient funestes: il ne fallait en aucune façon tenter le sort sur le champ de bataille, mais plutôt chercher une solution négociée.
Cependant, les Thébains ne furent nullement impression nés. Mieux, ils rappelèrent qu'ils comptaient parmi les meilleurs combattants de toute la Grèce et évoquèrent les grandes victoires qu'ils avaient remportées dans le passé. En proie à une sorte de folie collective, ils agirent plus en fonction d'un courage aveugle que par sagesse et réflexion, et ils se pré
cipitèrent tête baissée dans le gouffre, entraînant la ruine de leur pays.
En trois jours seulement, Alexandre acheva tous les ouvrages devant servir pour le siège ainsi que les machines destinées à abattre les murailles. Alors les Thébains sortirent en bon ordre, prêts à combattre.
Ils avaient placé la cavalerie sur leur aile gauche, la protégeant derrière une palissade, et aligné l'infanterie lourde au centre et à droite. A l'intérieur de la ville, les femmes et les enfants s'étaient réfugiés dans les temples, priant les dieux de les épargner.
Alexandre partagea ses forces en trois: la première division devait attaquer la palissade, la deuxième affronter l'infanterie thébaine, et la troisième demeurer en réserve, sous le com mandement de Parménion.
Le combat se déchaîna au son des trompes avec une vio lence qu'on n'avait jamais vue, pas même durant la bataille de Chéronée. Les Thébains savaient qu'ils étaient allés trop loin et qu'Alexandre n'aurait aucune pitié pour eux s'il les bat tait: ils savaient que leurs maisons seraient saccagées et br˚ lées, leurs femmes violées, leurs enfants vendus. Ils luttaient avec un total mépris du danger, s'exposant à la mort avec témérité.
Le vacarme de la bataille, les exhortations des comman dants, le son aigu des trompes et des fl˚tes s'élevaient jusqu'au ciel tandis que l'énorme tambour de Chéronée faisait retentir jusqu'au fond de la vallée ses sombres échos.
Dans un premier temps, ne pouvant supporter le redoutable impact de la phalange, les Thébains durent reculer. Mais quand ils en vinrent au corps à
corps sur un terrain plus acci denté, ils démontrèrent leur supériorité.
L'issue du combat sembla dès lors incertaine pendant plusieurs heures, comme si les dieux avaient placé les adversaires sur les deux plateaux de la balance en un équilibre parfait.
Alexandre lança finalement sa troupe de réserve à l'attaque: la phalange, qui avait combattu jusqu'alors, se partagea en deux, laissant avancer le détachement de renfort. Mais l'idée de se battre contre des troupes fraîches, en dépit de leur épui sement, n'effraya pas les Thébains. Ils n'en étaient que plus fiers.
Leurs officiers s'époumonaient: " Regardez, soldats ! Il faut deux Macédoniens pour vaincre un Thébain ! Repoussons-les comme nous avons repoussé les autres ! "
Et ils se déchaînèrent pour lancer un dernier assaut qui déciderait du sort de leurs vies et de leur cité.
C'est alors que Perdiccas, qui se trouvait sur l'aile gauche, s~aperçut qu'une poterne latérale des murailles avait été libé rée pour permettre aux troupes de renfort de s'élancer contre les lignes thébaines. Il envoya donc un détachement l'occuper et en profita pour faire entrer un grand nombre de guerriers.
Les Thébains reculèrent rapidement pour tenter de ver rouiller la poterne, mais leurs compagnons se pressaient der rière eux, créant un enchevêtrement d'hommes et de chevaux qui se blessèrent entre eux, sans empêcher pour autant les troupes ennemies de se répandre à l'intérieur.
Entre-temps~ les Macédoniens qui étaient enfermés dans la 276 ALEXANDRE LE GRAND ~ II,S DU SONGE 277
citadelle effectuèrent une sortie et prirent à revers leurs adver sairçs, qui se livrèrent à un corps à corps dans les rues étroites et tortueuses, devant leurs propres maisons.
Aucun Thébain ne se rendit,
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