Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
Alexandre. En faisant de mon mieux dès maintenant et jusqu'au jour de notre départ, les fonds que je parviendrai à réunir suffiront à peine à entretenir l'armée pendant une durée d'un mois.
--Eumène ne pense qu'à l'argent ! s'exclama Perdiccas.
--Et il a raison, répliqua Alexandre. C'est pour cela que je le paie, il ne faut pas prendre sa réflexion à la légère. Mais j'ai déjà prévu une solution. Les cités grecques d'Asie nous aide ront: c'est aussi pour leurs habitants que nous entreprenons cette campagne. Et puis nous verrons.
--Nous verrons ? demanda Eumène comme s'il tombait des nues.
--Tu n'as pas entendu Alexandre ? répliqua Héphestion. Il a dit "nous verrons". Ce n'est pas assez clair ?
--Pas le moins du monde, grommela Eumène. Si je dois organiser le ravitaillement de quarante mille hommes et de cinq mille chevaux, il faut que je sache o˘ trouver cet argent, par Héraclès ! "
Alexandre posa la main sur son épaule. " Nous le trouve rons, Eumène, ne t'inquiète pas. Je t'assure que nous le trou verons. Fais en sorte que tout soit prêt pour le départ. Il ne nous reste plus beaucoup de temps.
" Mes amis, mille ans se sont écoulés depuis que mon ancêtre Achille a mis pied en Asie pour combattre la ville de Troie avec les autres Grecs, et nous réitérons à présent son entreprise avec la certitude de la dépasser.
Peut-être nous manquera-t-il la plume d'Homère pour la raconter. Mais le co~rage ne nous fera certainement pas défaut.
" Je suis certain que vous saurez égaler les exploits des héros de l'niade. Nous en avons rêvé tant de fois ensemble, n'e~t-ce pas ? Avez-vous oublié l'époque o˘ nous nous levions, le soir, après le passage de Léonidas dans notre dortoir, pour nous raconter les aventures d'Achille, de Diomède et d'Ulysse, veillant tard dans la nuit, jusqu'à ce que nos paupières se ferment sous l'effet de la fatigue ? "
Le silence s'abattit sur le sanctuaire: les souvenirs d'une enfance encore proche, la crainte subtile qu'inspirait un avenir menaçant et inconnu, la conviction que la mort che vauchait toujours aux côtés de la guerre, envahissaient le coeur des jeunes gens.
Ils scrutaient le visage d'Alexandre, scrutaient la couleur fuyante de ses yeux à la faible clarté des lanternes. Et ils y lisaient une mystérieuse inquiétude, le désir br˚lant d'une aventure sans fin. Ils comprenaient que leur départ appro chait, mais ils ignoraient tout de leur retour.
Le roi alla vers Philotas: " Je parlerai à ton père. Je vou drais que nous soyons seuls à partager le souvenir de cette soirée. "
Philotas acquiesça: " Tu as raison. Et je te suis reconnais sant de m'avoir demandé d'y participer. "
Ptolémée brisa cette atmosphère de mélancolie soudaine. " Tout cela m'a donné faim. Et si nous allions manger une per drix à la broche à l'auberge d'Eupite ?
--Oui, oui ! répondirent-ils tous.
--C'est Eumène qui paie ! s'écria Héphestion.
--Oui, oui, c'est Eumène qui paie ! ", répétèrent les autres, y compris le roi.
Le temple replongea bientôt dans le calme. Seul le galop des chevaux, dont l'écho se perdait dans la nuit, troubla un moment encore le silence.
A cet instant précis, au loin, dans le palais de Boutrotos surplombant la mer, Cléop‚tre ouvrait la porte de sa chambre nuptiale et se préparait à
recevoir son époux. Le deuil tradi tionnellement prescrit aux jeunes mariées avait pris fin.
Le roi des Molosses fut accueilli par un groupe de jeunes filles vêtues de blanc qui tenaient des flambeaux, symboles d'amour ardent, et conduit le long de l'escalier jusqu'à une porte entrouverte. L'une d'elles lui ôta son manteau blanc et poussa légèrement l'un des battants. Puis elles s'éloignèrent dans le couloir, aussi légères que des papillons de nuit.
Alexandre vit une lumière dorée et tremblante se poser sur une chevelure aussi douce que l'écume: Cléop‚tre. Il se sou vint de la fillette timide qu'il avait surprise tant de fois en train de l'observer en cachette, dans le palais de Pella, avant de s'enfuir à toutes jambes. Deux servantes s'affairaient autour d~elle: l'une brossait ses cheveux tandis que l'autre dénouait la ceinture de son péplum nuptial et dégrafait les attaches d'or et d'arnbre qui le retenaient sur ses épaules d'ivoire. La jeune femme se tourna vers la porte. Elle n'avait plus pour vêtement que la lumière des lanternes.
Son mari entra et s'approcha pour contempler la beauté de son
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