Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
propriété comprenait en outre des b
‚timents, du bétail, des champs de blé, des vignes, des oliviers et des arbres fruitiers.
Depuis des années, il vivait avec les Perses comme s'il faisait partie de leur peuple. Il avait épousé la fille du satrape Artabaze, la noble Barsine, une femme de grande beauté, à la peau sombre, aux longs cheveux noirs, aux formes sinueuses et gra cieuses, une sorte de gazelle des hauts plateaux.
Ses deux fils, ‚gés de quinze et onze ans, parlaient avec une gra~de spontanéité aussi bien la langue de leur père que celle de beur mère: ils avaient été élevés dans les deux cultures. En tar~ que Perses, ils avaient appris à ne jamais mentir et à pra tiquer le tir à l'arc et l'équitation; en tant que Grecs, ils gran dissaient dans le culte du courage et de l'honneur guerriers, ils connaissaient les poèmes d'Homère, les tragédies de Sophocle et d'Euripide, ainsi que les théories des philosophes ioniens.
Ils avaient la peau oliv‚tre et les cheveux noirs de leur mère, le corps musclé et les yeux verts de leur père. Le premier portait un prénom grec, …
téocle, le second un prénom perse, Phraatès.
La villa de Memnon se dressait au centre d'un jardin ira nien, cultivé et entretenu par des jardiniers perses; il y avait là des plantes et des animaux rares, dont les merveilleux paons indiens de Palimbothra, une ville quasiment légendaire qui s'élevait sur les bords du Gange. On pouvait y admirer des sculptures perses et babyloniennes, d'anciens bas-reliefs hétéens que Memnon avait rapportés~d'une ville abandonnée sur le haut plateau, de superbes services de céramique attique pour les banquets, des bronzes de Corinthe et de la lointaine
~trurie~ des statues en marbre de Paros, peintes et colorées.
Sur les murs étaient exposés les tableaux des plus grands 338 ALEXANDRE LE CRAN~ ~ LE~S SABLES D A:MMON
peintres de l'époque: Apelle, Zeuxis et Parrhasios. Ils représen taient des scènes de chasse et de bataille, ainsi que les aventures mythologiques des héros que la tradition avait rendus célèbres
Tout, dans cette demeure, était issu de cultures diverses, et pourtant elle reflétait aux yeux des visiteurs une harmonie sin gulière et presque incompréhensible.
Deux domestiques allèrent à la rencontre de leur maître. Ils l'aidèrent à
ôter son armure et le conduisirent dans la salle de bains afin qu'il s'y rafraîchisse avant le dîner. Barsine le rejoi gnit en lui tendant une coupe de vin frais, puis elle s'assit pour lui tenir compagnie.
" quelles nouvelles as-tu concernant l'invasion ? lui demanda-t-elle.
--Alexandre marche vers l'intérieur, probablement dans l'intention de nous pousser à un choc frontal.
--Ils n'ont pas voulu t'écouter, et désormais Alexandre est aux portes de nos demeures.
--Personne n'imaginait que cet adolescent aurait autant d'audace. Ils croyaient que les luttes grecques allaient l'occu per pendant de nombreuses années et émousser ses forces. Une prévision totalement erronée.
--quel genre d'homme est-ce ? interrogea Barsine.
--Il semble difficile de définir son caractère: il est très jeune, très beau, impétueux et passionné, mais on dit qu'il devient aussi froid que la glace face au danger, et qu'il est alors capable d'évaluer avec un formidable détachement les situa tions les plus délicates et les plus embrouillées.
--N'a-t-il pas de points faibles ?
--Il aime le vin et les femmes, mais on murmure que son affection se concentre sur un seul être, son ami Héphestion, qui est sans doute plus qu'un ami pour lui. Selon les rumeurs qui circulent, ils seraient amants.
--Est-il marié ?
--Non. Il a quitté la Macédoine sans laisser d'héritier. On dit qu'il a offert tous ses biens à ses familiers avant de partir. "
D'un signe, Barsine renvoya les servantes. Elle s'empressa elle-même auprès de son époux qui sortait du bain, puis saisit un drap de lin ionien fort doux, avec lequel elle lui essuya le dos. Memnon continuait à parler de son ennemi:
" Un de ses amis intimes lui aurait demandé: "Et que gardes-tu pour toi ?" "L'espoir", aurait-il répondu. Ces propos sont difficiles à croire, mais à l'évidence ce jeune souverain est déjà une légende. Et c'est pour nous un problème, car il est plus ardu de se battre contre un mythe.
--Vraiment, il n'a pas de femme ? " insista Barsine.
Une servante emporta la serviette humide; une autre aida Memnon à revêtir sa tenue pour le
Weitere Kostenlose Bücher