Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
non ? "
Le Grec se releva, l'air agacé, lissa ses vêtements et dit: " Un instant, je reviens tout de suite. " A la stupéfaction générale, il se dirigea vers la porte. Une fois sorti, il s'approcha d'un soldat qui montait la garde sur la galerie supérieure du palais--un Thrace aussi gros qu'un ours--, tira de sa poche-quelques pièces de monnaie et les lui tendit en lui ordonnant: " Suis-moi, j'ai un
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travail pour toi. " Il le précéda dans le dortoir et indiqua Léonnatos: "
Tu vois ce garçon avec des taches de rousseur et des cheveux roux? ", interrogea-t-il. Le géant acquiesça. " Bien. Attrape-le et administre-lui une belle correction. "
Léonnatos comprit aussitôt que les choses tournaient mal. Il bondit entre les jambes du Thrace comme Ulysse entre celles de Polyphème, et dévala l'escalier.
" L'un de vous a-t-il quelque chose à objecter? " demanda Eumène en retournant à ses effets personnels.
" Oui, moi ", intervint Alexandre.
Eumène s'interrompit et se tourna vers lui: " Je t'écoute, dit-il avec un ton empreint de respect, parce que tu es le maître de maison; mais je ne tolérerai pas qu'un autre de ces gamins me traite de pet. "
Alexandre éclata de rire. " Bienvenue parmi nous, monsieur le secrétaire général. "
Dès lors, Eumène fit partie du groupe comme un membre à part entière et devint l'inspirateur de toutes sortes de plaisan teries et de moqueries.
Leur victime était souvent leur maître, le vieux Léonidas: les enfants glissaient des lézards dans son lit et des grenouilles vivantes dans sa soupe aux lentilles, pour se venger des coups de verge qu'il leur dispensait copieuse ment quand ils ne s'étaient pas assez appliqués à leurs études.
Un soir, Léonidas, qui était encore le principal responsable de leur instruction, leur annonça que le souverain recevrait, le lendemain, la visite d'une ambassade perse et qu'il participe rait lui aussi à cette mission diplomatique en raison de ses connaissances sur l'Asie et ses coutumes. Les plus grands, pré cisa-t-il, devraient prendre du service dans la garde d'honneur du roi, revêtus de leur arrnure de parade, alors que les plus jeunes s'acquitteraient d'une fonction similaire aux côtés d'Alexandre.
Cette nouvelle remplit les garçons d'une grande agitation: ils n'avaient jamais vu de Perses, et ce qu'ils savaient de ce pays provenait de leurs lectures d'Hérodote ou de Ctésias, ou encore du journal de la fameuse "
retraite des Dix Mille " de l'Athénien Xénophon. Ils se h‚tèrent donc d'astiquer leurs armes et de préparer leurs vêtements de cérémonie.
" Mon père a parlé à un homme qui avait pris part à l'expé dition des Dix Mille, raconta Héphestion, et qui avait affronté les Perses à la bataille de Cunaxa.
--Vous imaginez, les garçons ? intervint Séleucos. Un mil lion d'hommes !
"
Et il mettait ses mains en éventail devant lui comme pour représenter l'immense front des guerriers.
" Et les chars faucheurs ? ajouta Lysimaque. Ils vont aussi vite que le vent dans leurs plaines, et ils sont armés de faux qui pointent sous le caisson et sortent des essieux, pour abattre les hommes comme des épis de blé. Je n'aimerais pas les affron ter sur le champ de bataille.
--Des pièges qui font plus de bruit que de mal, commenta Alexandre, qui avait écouté en silence les remarques de ses camarades. Xénophon le dit aussi dans son journal. De toute façon, nous aurons tous l'occasion de voir comment les Perses manient leurs armes. Mon père a organisé pour après-demain une battue de chasse au lion en …ordée, en l'honneur de ses invités.
--Les enfants aussi sont invités ? ", ricana Ptolémée.
Alexandre se dressa devant lui: " J'ai treize ans et je n'ai peur de rien, ni de personne. Si tu répètes ce que tu viens de dire, je te ferai avaler toutes tes dents. "
Ptolémée se maîtrisa, et les autres garçons cessèrent de rire. Ils avaient appris à ne pas provoquer Alexandre qui, malgré sa taille peu développée, avait montré à plusieurs reprises une force surprenante et une grande rapidité.
Eumène proposa à la ronde une partie de dés o˘ l'on joue rait la paie de la semaine, et la chose en resta là. Par la suite, l'argent finit dans ses poches, car le Grec avait un faible pour le jeu aussi bien que pour l'argent.
Une fois sa colère éteinte, Alexandre abandonna ses cama rades à leur passe-temps et alla rendre visite à sa mère avant
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