Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
sur l'eau à grands coups de rames et gagna une petite crique déserte sur la côte orientale de l'Hellespont. Cette nuit-là, les cinq hommes se mirent en route, car Memnon voulait être conduit auprès de sa femme et de ses enfants.
<~ Je veux les voir avant de mourir, dit-il dès qu'ils eurent touché
terre.
--Tu ne mourras pas, commandant, répliqua l'un de ses mercenaires. Tu en as vu de bien pires. Mais nous t'emmène rons là o˘ tu le désires, même au bout du monde s'il le faut, même à l'enfer. Et nous te porterons sur nos épaules si cela est nécessaire. "
Memnon acquiesça avec un sourire las, mais l'idée de revoir sa famille semblait l'animer d'une mystérieuse énergie, d'une force insoupçonnable.
L'un de ses hommes partit à la recherche d'un moyen de transport quelconque, car le malade n'était pas en mesure de monter à cheval. Il revint le lendemain avec une carriole tirée par deux mulets et quatre Ghevaux qu'il avait achetés dans une ferme.
Chemin faisant, les mercenaires avaient tenu conseil et décidé que l'un d'entre eux les précéderait jusqu'à la route du Roi, d'o˘ il enverrait un message à Barsine, de façon qu'elle puisse venir à leur rencontre. En effet, ils ne nourriss~ent a cun espoir que leur commandant arrive vivant au palais r al de Suse, à deux mois de marche de là.
endant quelque temps, la maladie parut accorder un répit à ~iemnon, qui recommença à s'alimenter, mais quand la nuit t nbait, sa température augmentait au point de lui br˚ler les t npes et lui brouiller l'esprit.
Alors, il délirait et des cris s chappaient de ses lèvres, les cris d'une vie entière d'affron t nents, d'une terrible souffrance infligée et subie, les gémis s nents et les pleurs d'espérances perdues et de rêves envolés.
e chef de son escorte, un homme de Tégée, qui avait tou jours combattu à
ses côtés, le regardait alors avec angoisse et lui passait un linge humide sur le front en grommelant: " Ce n'est rien, commandant, ce n'est rien. Une stupide fièvre ne peut pas abattre Memnon de Rhodes, non... " comme s'il vou lait s'en persuader.
L'homme qu'on avait envoyé en avant atteignit la route du Roi à hauteur du pont qui enjambait le fleuve Halys, construit, disait-on, par Crésus de Lydie. Il apprit alors qu'il n'était pas nécessaire de gagner Suse. En effet, ayant enfin décidé de don ner une leçon au petit yauna qui avait osé
envahir ses pro vinces occidentales, le roi Darius se dirigeait vers les Portes svriennes, à la tête de cinq cent mille hommes, de centaines de chars de guerre, de dizaines de milliers de cavaliers. Il était parti avec toute sa cour, dont Barsine certainement. Ainsi l'in vocatiOn de Memnon voyagea de montagne en montagne
aussi rapidement que la lumière des b˚chers et le reflet des miroirs en bronze, que le galop effréné des étalons nyséens, et fut délivrée au Grand Roi, dans son pavillon de pourpre et d'or. Et le Grand Roi fit appeler Barsine.
" Ton époux est gravement malade, lui annonça-t-il, et il s~enquiert de toi. Il parcourt notre route royale dans l'espoir de te revoir une dernière fois. Nous ignorons si tu pourras le rejoindre avant qu'il ne meure, mais si tu souhaites aller à sa rencontre~ nous te donnerons une escorte composée de dix Immortels de notre garde. "
Barsine eut l'impression que son coeur s'éteignait, mais elle ne broncha pas, ne versa pas la moindre larme. " Grand Roi, je te reEnercie de m'avoir avertie et de me permettre de partir~ J'irai vers mon époux et je ne serai pas en paix, je n'au
CABLES D'AMMON 551
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rai pas de repos, tant que je ne l'aurai pas retrouvé et embrassé. "
Elle regagna sa tente et, comme une Amazone, enfila un corset de feutre et un pantalon de cuir, prit le meilleur cheval qu'elle trouva et s'élança au grand galop, suivie à grand-peine par les gardes que le Grand Roi lui avait assignés
Elle voyagea des jours et des nuits, se reposant quelques heures à peine quand elle changeait de cheval, ou quand la fatigue rendait ses membres insensibles. Un soir, au coucher du soleil, elle finit par apercevoir un petit convoi, qui avançait d'un pas inégal le long de la route semi-déserte: une carriole couverte, tirée par deux mulets, escortée par quatre hommes armes, a cheval.
Elle rejoignit la carriole et sauta à terre. Le commandant Memnon gisait à l'intérieur du véhicule, sur des peaux de mouton. Sa barbe était longue et ses lèvres gercées, ses che veux
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