Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
prairie blanchie par le givre et y déposèrent le corps de leur commandant, revêtu de son armure et coiffé de son casque, sur lequel se détachait la rose en argent de Rhodes.
Et ils y mirent le feu.
Le vent qui balayait le haut plateau alimenta les flammes qui crépitèrent en dévorant rapidement la dépouille mortellé du grand guerrier. Brandissant leurs lances, les soldats alignés lancèrent dix fois son nom dans le ciel froid et noir qui recou vrait cette lande, aussi déserte qu'un linceul.
quand le dernier écho de leurs cris se fut éteint, ils se rendirent compte qu'ils étaient désormais seuls au monde, sans père ni mère, sanS frère ni maison, sans patrie.
" J'ai juré de le suivre partout, dit alors le plus ‚gé d~entre eux, même aux enfers. " Il s'agenouilla, dégaina son épée, la pointa contre son coeur et se jeta dessus.
" Moi aussi "~ ajouta son compagnon, en tirant lui aussi Son arme.
" Nous aussi ", dirent les deux autres. Ils s'effondrèrent l'un aprèS
l'autre dans une mare de sang, tandis que le premier chant du coq brisait le silence spectral de l'aube, pareil à une s~nnerie de trompe.
' 44
|~ Philippe, le médecin, exposa à Alexandre les résultats des examens pratiqués sur le cadavre du Perse qu'on avait trouvé en possession de la lettre du Grand Roi adressée au prince Arnvntas.
" Il a certainement été empoisonné, mais il s'agit d'un type de poison qui m'est inconnu. Voilà pourquoi il me semble inutile d'interroger le cuisinier: c'est un brave garçon, qui serait incapable de le préparer.
J'ignorerais moi-même com ment m'y prendre, alors...
--Aurait-il pu s'administrer lui-même ce poison ? demanda ~l~andre.
--C'est possible. Il y a parmi les gardes du Grand Roi des hommes qui jurent de le servir jusqu'au sacrifice de leur vie. Je~ crains qu'il ne soit difficile d'en savoir plus sur cette affaire, pour le moment. "
!Plusieurs jours s'écoulèrent. Les nouvelles des renforts en provenance de Macédoine n'arrivaient pas, et le moral des sol dats commença à se détériorer dans l'oisiveté et l'ennui. Un matin, Alexandre décida de se rendre au sanctuaire de la Grande Mère des dieux, à Gordion, que le roi Midas avait, disait-on, fondé.
Il était accompagné par ses amis et par les prêtres qui, en apprenant sa visite, s'étaient réunis au grand complet et avaient enfilé leurs parements de cérémonie.
Le temple était un ancien sanctuaire indigène qui abritait une image de la déesse sculptée dans le bois et rongée par les vers~ ornée d'une incroyable quantité de joyaux et de talis mans que les fidèles offraient depuis de nombreux siècles. Des reliques et des présents votifs de toutes sortes étaient accro chés aux murs. La plupart représentaient des membres humains en terre cuite et en bois, qui témoignaient des guéri sons survenues ou des prières formulées pour les obtenir.
Il y avait là des pieds et des mains sur lesquels on avait représenté les signes de la gale avec des couleurs vives, des yeux, des nez et des oreilles, des utérus sans doute stériles qui réclamaient la fertilité, et des membres virils qui n'étaient pas en mesure d'assumer leurs fonctions.
Chacun de ces objets était le signe des misères, des maladies et des souffrances qui affligeaient le genre humain depuis l'ori gine des temps, après que Pandore eut b~tement ouvert la jarre d'o˘ s'échappèrent tous les maux qui envahirent le monde.
" Ne laissant au fond que l'espoir, rappela Eumène en balayant le sanctuaire du regard. Et que sont tous ces objets sinon la manifestation d'un espoir presque toujours dé~u qui demeure pourtant un précieux compagnon pour les hommes ? "
Frappé par autant de pédanterie philosophique, Séleucos qui se tenait non loin de lui, le dévisagea d'un air perplexe. Mais les prêtres les conduisaient déjà dans une chambre laté rale, o˘ l'on conservait le vestige le plus précieux: le char du roi Midas.
Il s'agissait d'un étrange véhicule à quatre roues d'un genre très primitif, muni d'une barrière semi-circulaire dans la par tie supérieure.
Le système directeur se composait d'un timon qui s achevait par une barre reliée à l'essieu du train antérieur des roues; le joug était, quant à lui, fixé au timon par un filin entortillé en un noeud inextricable.
Un ancien oracle disait que celui qui déferait ce noeud dominerait l'Asie, et Alexandre avait décidé de se risquer dans cette entreprise.
Eumène,
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