Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
demandé ?
--J'ai voulu savoir si tous les assassins de mon père étaient mortst ou si l'un d'eux avait survécu. "
Ptolémée n'ajouta rien. Il attendit que le roi sorte de la bai gnoire pour poser une serviette de lin frais sur ses épaules et commencer à le frictionner. Mais quand Alexandre se tourna
ers lui, il l'examina attentivement comme s'il voulait scruter son ‚me, avant de 1 interroger: " Ainsi, tu aimes encore ton père Philippe, maintenant que tu es devenu un dieu ? "
Alexandre soupira: " Si ce n était pas toi qui me posais cette question, Je Jurerais que ce sont les mots de Callisthène ou de Cleitos le Noir...
Donne-moi ton épée. " Ptolémée lui lança un regard surpris, mais il n osa rien répliquer. Il dégaina l'arme et la lui passa. Alexandre la saisit et, de la pointe, incisa la peau de son bras, d o˘ s'écoula un petit filet vermeil.
" Regarde, est-ce que ça n'est pas du sang ?
--Si, en effet.
--C'est bien du sang, n'est-ce pas~? Ce n'est pas l"'~cor qui dit-on, coule dans les veines des dieux bienheureux", continua t-il en citant un vers d'Homère. Et donc, mon ami, si tu as de l'affection pour moi, essaie de me comprendre et évite de me blesser inutilement. "
Ptolémée comprit. Il pria Alexandre de l'excuser tandis que Leptine nettoyait son bras avec du vin et le bandait.
Alexandre vit que Ptolémée regrettait ses propos. Aussi l'in vita-t-il à
partager son dîner, qui était toutefois frugal: du pain sec, des dattes et du vin de palme au go˚t acidulé.
" qu'allons-nous faire maintenant ? lui demanda Ptolémée
--Nous allons retourner à Tyr.
--Et ensuite ?
--Je l'ignore. Je crois qu'Antipatros me racontera ce qui se passe en Grèce et que nos espions nous informeront des pro jets de Darius. Nous prendrons ensuite notre décision.
--Je sais qu'Eumène t'a révélé le destin de ton beau-frère, Alexandre d'Epire.
--Oui, hélas. Ma soeur Cléop‚tre doit être bouleversée, tout comme ma mère, qui l'aimait énormément.
-- Mais ta douleur surpasse certainement la leur. Est-ce que je me trompe ?
--Non, tu as sans doute raison.
--En dehors de votre double parenté, vous étiez très unis. Puisje connaître la nature de ce lien?
--Un grand rêve. A présent, tout le poids de ce rêve repose sur mes épaules. Un jour, nous irons en Italie, Ptolémée, et nous anéantirons les barbares qui l'ont tué. "
Il versa un peu de vin de palme à son ami, et aiouta Aimerais-tu écouter quelques poèmes ? J'ai invité Thessalos me tenir compagnie.
--Avec grand plaisir. quels vers as-tu choisis ?
--Des vers qui parlent de la mer, et qu'or~t écrits plusieurs oètes. Ce paysage de sables infinis me rappelle l'étendue marine, et la br˚lure de ces lieux accroît mon désir de la revoir. " Dès que Leptine eut ôté les deux petites tables, l'acteur entra. Il portait un vêtement de scène et son visage était n~aquillé: les yeux bistrés, la bouche retouchée au minium-ce qui lui donnait un pli amer, pareil à celui des masques tra ~;iques. Il avait une cithare, dont il tira quelques sombres a~cords avant de commencer:
Brise, brise marine,
qui conduis les vaisseaux rapides
au large, à travers l'écume
n˘ vn.s-tu trans~orter ma misère' ?
,,
~Alexandre l'écoutait avec fascination dans le silence pro nd de la nuit, il écoutait cette voix, capable d'adopter n'im orte quelle intonation, capable de vibrer sous l'effet de tous les sentiments, de toutes les passions humaines, d'imiter le soupir du vent et le fracas du tonnerre.
Ils écoutèrent jusqu'à une heure tardive la voix que le grand acteur modulait pour mieux traduire chaque nuance, cette voix qui gémissait sous les pleurs des femmes ou s'élevait fiè rement sous le cri des héros. quand Thessalos eut terminé, Alexandre l'embrassa. "
Merci, lui dit-il les yeux luisants. Tu as évoqué les rêves qui visiteront ma nuit. Maintenant, va dor mir: une longue marche nous attend demain. "
Ptolémée s'attarda un moment encore et but du vin avec le souverain.
" T'arrive-t-il de penser à Pella? lui demanda-t-il soudain. T'arrive til de penser à ta mèreèt à ton père, à l'époque o˘ nous étions enfants et galopions dans les collines de ~lacédoine ? Aux eaux de nos fleuves et de nos lacs ? "
1. EURIPIDE, Hécube, v. 444-448, trad. Marie Delcourt-Curvers; Paris, Gallim:~r~l ~oll " Folio ". 1962, p. 424.
Alexandre sembla réfléchir un moment, puis il répondit " Oui, souvent, mais ces images me
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