Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
nuit-là, le roi coucha avec ses deux épouses perses, avec Barsine d'abord, puis avec Stateira. Mais quand il vit cette dernière endormie, il jeta une chlamyde sur ses épaules et sortit. Il balaya le couloir du regard, et, voyant que tout était calme, descendit l'escalier, traversa la cour puis rejoignit Roxane dans les appartements royaux. Il s étendit à ses côtés le plus discrètement possible, mais la jeune femme se retourna brusquement et bondit sur lui. Ses poings martelèrent sa poi trine, ses ongles griffèrent sa peau. " Comment oses-tu m'ap procher avec l'odeur de cette femelle ! ", criait-elle.
Alexandre attrapa ses poignets et l'immobilisa. Il la sentait se débattre et haleter sous son corps, mais il ne dit rien. Il la laissa crier, pleurer d'un air désespéré, puis il la libéra et s'al longea à nouveau à ses côtés en attendant qu'elle épanche sa colère et sa souffrance.
" Si tu veux, je peux m'en aller ", dit-il.
Roxane s'abstint de lui répondre.
" Je t'avais prévenue que j'épouserais Barsine, et que Stateira reviendrait. Les rois ont des devoirs...
--Cela ne change rien, s'écria Roxane. Crois-tu que cela me console ?
--Non, je ne le crois pas, répondit Alexandre. Voilà pour quoi je t'ai proposé de m'en aller. ~
--Vraiment, tu t'en irais ? demanda la jeune femme. ~`
-- Si tu m'en priais, répondit le roi. Mais j'espère que tu ne le feras pas, car tu es la seule femme que j'aimerai tant que je vivrai. "
Roxane garda le silence un long moment, puis elle dit: " Alexandre...
--Oui.
--Si tu recommences, je me tuerai, et ton enfant mourra avec moi. Je suis enceinte. >5
Sans rien dire, Alexandre lui pressa la main dans la pénombre.
Le lendemain, le roi effaça les dettes des soldats macé doniens qui en avaient contracté. Au début, peu d'hommes avaient osé les déclarer, en pensant qu'-Alexandre avait inventé un stratagème pour identifier ceux qui n'avaient pas su admi nistrer leurs revenus, ou qui n'étaient pas parvenus à vivre de la solde généreuse qu'on leur versait.
Mais voyant que les demandes de remise étaient peu nom breuses, Alexandre fit savoir qu'il ne voulait pas connaître le nom du débiteur, mais le montant de la dette. Les hommes rassemblèrent donc leur courage et présentèrent à Eumène les demandes et les documents qui attestaient du prêt. Celui-ci leur remit alors la somme nécessaire au remboursement.
Le secrétaire général calcula ensuite que la somme totale de ces dettes se montait à dix mille talents.
Vers la fin du printemps, le roi organisa des manoeuvres à Opis, le long du Tigre, o˘ l'avait rejoint un nouveau contingent de trente mille Perses qui avaient reçu une instruction mili taire à la macédonienne. Il y eut une grande parade, au cours de laquelle ces jeunes guerriers asiatiques, surnommés les
Successeurs, démontrèrent leur valeur exceptionnelle et leur grande habileté. Craignant d'être ravalés~ au rang de ceux qu'ils avaient vaincus sur le champ de bataille puis soumis, les soldats macédoniens en furent une nouvelle fois irrités. Leur déception augmenta encore quand ils apprirent qu'Alexandre entendait licencier-blessés, invalides et mutilés, et confier le soin de les ramener chez eux à Cratère, qui devait remplacer le vieil Antipatros en qualité de régent de Macédoine.
" Ils sont furieux, lui rapporta Cratère. Ils demandent que tu reçoives leur délégation. "
Les manoeuvres avaient pris fin, et les jeunes Successeurs avaient réintégré leurs tentes. Alexandre ordonna qu'on place son trône à
l'extérieur du pavillon royal, et dit à son ami:
" Envoie-les-moi. " Mais il était, à 1 évidence, fort contrarié et de très méchante humeur.
Cratère se dirigea vers le campement macédonien, qui était très rigoureusement séparé du cantonnement perse. On vit apparaître un peu plus tard un détachement de soldats repré sentant les divers corps d'armes qui composaient l'armée: cava lerie, infanterie lourde, attaquants, " écuyers
", archers à cheval.
" que voulez-vous ? demanda Alexandre sur un ton glacial.
-- t~st-il vrai que tu renvoies chez eux les vétérans, les inva lides et les mutilés?, l'interrogea un chef de compagnie des pézétairoÔ, le plus ‚gé du groupe. ~A
--Oui, répondit le roi.
--Cela te semble-t-il une belle action ?
-- C'est une action nécessaire. Nous allons entreprendre d'autres expéditions, et ils ne sont plus en mesure de se battre.
-- Mais quel genre
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