Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
les contrées amies et ennemies, reconnais sant, l'oeil brillant, la ville qu'il avait récemment fondée en Thrace et qui portait son nom: Philippopolis. Il pouvait enfin mesurer l'ampleur de ses conquêtes.
Vers l'ouest et vers le nord, la carte s'estompait jusqu'au néant, tout comme vers le sud, o˘ s'étendaient les sables infinis des Libyens et des Garamantes.
De nombreuses feuilles de papyrus, couvertes d'études pré paratoires, reposaient sur une table, non loin de là. Philippe en examina certaines, s'attardant en particulier sur une repré sentation de la terre.
120 ALEXANDRE LE GRAND ; LE~FILS DU SONGE 121
" Tu penses donc qu'elle est ronde, dit-il à Aristote.
--Je ne le pense pas seulement, j'en suis certain, rétorqua le philosophe. L'ombre que la terre projette sur la lune, au cours des éclipses, est ronde. Et lorsque tu observes un bateau qui s'éloigne du port, tu vois d'abord disparaître sa coque, et seulement ensuite son m‚t. Le contraire se produit, en revanche, quand tu le regardes s'approcher. .
--Et là, qu'y a-t-il ? le questionna Philippe en indiquant une région sur laquelle se détachait l'inscription antipodes.
--Personne ne le sait. Sans doute des terres aussi vastes que les nôtres. C'est une question d'équilibre. Le problème, c'est que nous ne connaissons pas la superficie des régions boréales. "
Alexandre se tourna vers lui avant d'examiner les provinces de l'immense empire qui s'étendait, disait-on, de la mer …gée jusqu'aux Indes, et il se remémora les mots inspirés avec lesquels, trois ans auparavant, l'invité perse avait décrit sa patrie.
Il se vit alors galoper avec Bucéphale sur ces hauts plateaux immenses, se lancer à l'assaut des montagnes et des déserts jusqu'aux confins du monde, jusqu'aux flots du fleuve Océan qui, selon Homère, entourait toute la terre.
La voix de son père et la main qu'il avait posée sur son épaule le tirèrent de sa rêverie. " Rassemble tes affaires, mon fils, ordonne à tes esclaves de préparer tes bagages, tout ce que tu souhaites ramener à Pella. Et salue ton maître. Tu ne le reverras pas de sitôt. "
Puis il s'éloigna afin qu'Alexandre et Aristote demeurent seuls pour se dire adieu.
~ a Le temps a passé rapidement, observa Aristote. J'ai l'impression d'être arrivé hier à Miéza.
--O˘ iras-tu ? lui demanda Alexandre.
-- Je vais demeurer ici encore un moment. Nous avons accumulé beaucoup de matériel, ainsi qu'une quantité de notes qui doivent être soigneusement répertoriées. Il me faudra un peu de temps. En outre, j'ai commencé des études sur la transmission des maladies.
--Je suis content que tu restes. Je pourrai ainsi te rendre visite de temps en temps. J'ai encore beaucoup de questions à
te poser. "
Aristote le fixa et put lire, pendant un court instant, toutes ces interrogations dans la lumière changeante et inquiète de son regard.
" Les questions que tu ne m'as pas posées sont sans réponse, Alexandre...
Ou si réponses il y a, il faut que tu les cherches dans ton esprit. "
La lumière de cet après-midi printanier éclairait les feuilles de papyrus éparses, remplies d'annotations et de croquis, les coupelles des peintres, leurs couleurs et leurs pinceaux, la
. grande carte du monde connu et les petits yeux gris et sereins du philosophe.
. " Et ensuite, o˘ iras-tu ? demanda encore Alexandre.
--Dans un premier temps, à Stagire, chez moi.
--Penses-tu être parvenu à faire de moi un Grec ?
--Je pense que je t'ai aidé à devenir un homme, mais surtout, j'ai compris une chose: tu ne seras jamais grec, ni macédonien. Tu seras seulement Alexandre. Je t'ai appris tout ce qui était en mon pouvoir, désormais tu suivras ton propre chemin et personne n'est en mesure de dire o˘ il te conduira. Une seule chose est certaine: ceux qui voudront te suivre devront tout abandonner, maison, parents et amis, patrie, et I s'aventurer dans l'inconnu. Adieu, Alexandre, que les dieux te protègent.
--Adieu, Aristote. que les dieux te gardent aussi, s'ils veulent qu'un peu de lumière brille sur ce monde. "
Ils se quittèrent ainsi, sur un long regard. Jamais plus ils ne se revirent.
Cette nuit-là, Alexandre demeura longtemps éveillé, sous l'emprise d'une forte agitation qui l'empêchait de s'endormir. Il regardait par la fenêtre la campagne paisible et la lune qui éclairait les cimes encore blanches du mont Bermion et de l'Olympe, mais déjà il entendait le fracas des armes, le hen
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