Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
camarades composent la troupe d'Alexandre ! " Il leva la coupe et la but d'un trait.
" Du vin ! ordonna Ptolémée. Du vin pour tout le monde ! "
Il battit des mains. Al~rs, tandis que ses hôtes prenaient place sur leurs lits, les esclaves commencèrent à verser le vin en penchant le cratère, puis ils servirent les plats: des perdrix à la broche, des grives, des coqs de montagne, des canards, ainsi que de rares et excellents faisans.
Alexandre avait voulu que son meilleur ami, Héphestion, soit assis à sa droite; à sa gauche se trouvait Ptolémée, le maître de maison.
Après le gibier, on servit un quart de veau rôti que l'écuyer tranchant découpa avant d'en déposer un morceau devant chaque convive, tandis que les serviteurs apportaient des paniers de pain sortant du four, des cerneaux de noix et des oeufs de canard bouillis.
Puis les fl˚tistes firent leur apparition et se mirent à jouer. Elles venaient de Mysie, de Carie, de Thrace ét de Bithynie, toutes exotiques et fort jolies. Certaines avaient les cheveux tirés et attachés par des rubans colorés, d'autres des coiffes ourlées d'or et d'argent; leur costume imitait celui des Ama zones: de courtes tuniques, des arcs et des carquoisj acces soires courants dans les thé‚tres.
Plusieurs d'entre elles déposèrent leur arc après la pre mière chanson, leur carquois après la deuxième, puis leurs chaussons et leur tunique, dénudant complètement leurs jeunes corps luisant d'onguents parfumés à la lumière des lanternes. Elles dansèrent au son des fl˚tes et des timbales évoluant, légères, devant les tables et entre les lits des convives.
Ceux-ci avaient cessé de manger, mais ils continuaient de boire, ce qui redoublait leur excitation. Certains se levèrent, ôtèrent leurs habits et s'unirent à la danse, que le rythme de plus en plus rapide des timbales et des tambours conduisait à son paroxysme.
Soudain, Ptolémée attrapa par la main une fille en train de tourbillonner. Il la fit tourner sur elle-même de façon qu'Alexandre p˚t la contempler.
" C'est la plus belle, affirma-t-il. Je l'ai prise pour toi.
--Et pour moi ? demanda Héphestion.
--Gelle-ci te plaît-elle ? ", dit Alexandre en arrêtant une fille ravissante, aux cheveux roux.
Les serviteurs avaient été chargés de veiller que les lumières s'éteignent à un certain moment et que la salle f˚t plongée dans une demi-pénombre.
Les jeunes gens s'étreignaient sur les lits, sur les tapis et sur les peaux qui couvraient partiellement le sol, tandis que la musique des fl˚tistes résonnait entre les murs ornés de fresques. Elle semblait rythmer leur souffle et le mouvement de leurs corps entrevus sous la lumière vacillante des rares lanternes br˚lant encore aux coins de la grande salle.
Alexandre quitta les lieux au coeur de la nuit, en proie à l'ivresse et à
une excitation incontrôlable. On aurait dit qu'une force longtemps réprimée s'était brusquement déchaînée en lui et qu'elle le dominait complètement.
Il s'immobilisa sur une terrasse du palais pour reprendre ~ ses esprits. Le vent de Borée soufflait. Il s'approcha du para i pet et contempla la lune qui se couchait derrière les monts de l'…ordée.
Là-bas, cachée dans l'obscurité, se trouvait la calme retraite de Miéza, o˘ Aristote veillait peut-être en suivant le fil subtil de ses pensées. Il lui sembla que des années s'étaient écoulées depuis leurs adieux.
Il fut réveillé par un garde, juste avant l'aube, et se redressa sur son lit. Il avait l'impression que sa tête allait éclater.
" J'espère que tu as une bonne raison, autrement...
-- Le roi te fait demander, Alexandre. Il veut que tu le rejoignes immédiatement. "
Le jeune homme se leva avec difficulté et gagna une cuvette o˘ il plongea la tête à plusieurs reprises; puis il jeta une chlamyde sur ses épaules nues, laça ses sandales et suivit son guide.
Philippe l'accueillit dans une pièce de l'armurerie royale. Il était facile de comprendre qu'il était de fort mauvaise humeur.
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128 ALEXANDRE LE GRAND ~ LE FILS DU SONGE 129
" Il s'est produit quelque chose de très grave, dit-il. Avant que tu reviennes, j'avais demandé à ta mère de m'aider dans une mission délicate: mander une ambassade à Athènes pour tenter de bloquer un projet de Démosthène, qui risquait de se révéler nuisible à notre politique. Je pensais qu'un envoyé de la reine aurait plus de chances d'être écouté et d'obtenir des
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