Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
l'espla nade, o˘ étaient rassemblés les souvenirs de la cité. Mais c'est le " Portique peint " qui le fascina le plus, avec son immense cycle de fresques, oeuvre de Polygnote, consacré
aux guerres perses.
On y voyait la bataille de Marathon, ses épisodes héroÔques, l'arrivée du coureur Philippidès qui venait d'Athènes pour annoncer la victoire et s'écroulait, terrassé par la fatigue.
Il y avait aussi les batailles de la seconde guerre perse: les Athéniens abandonnaient leur ville et assistaient en pleurant, depuis l'île de Salamine, à l'incendie de l'Acropole et à la des truction de ses temples; ou encore le gigantesque affron tement naval de Salamine, au cours duquel les Athéniens avaient balayé la flotte perse: le Grand Roi fuyait, terrorisé, suivi par des nuages noirs et des vents de tempête.
Alexandre aurait aimé derneurer dans ce lieu merveilleux, dans cet écrin o˘ le génie humain avait fourni les plus grandes preuves de sa valeur, mais le devoir et les messages de son père le réclamaient à Pella.
Sa mère Olympias aussi lui avait écrit plusieurs fois, le féli citant pour son comportement lors de la bataille de Chéronée et lui disant qu'il lui manquait. Alexandre entrevoyait dans cette insistance, en partie inexpliquée, une profonde inquié tude, un malaise inavoué dont il devinait la cause dans quelque nouvel événement douloureux qui la hantait.
Au début de l'été, il prit donc la route du nord en compagnie de son escorte. Il pénétra en Béotie par Tanagra, passa près de Thèbes par une chaude journée, traversant la plaine sous les rayons cuisants du soleil, et chevaucha le long des rives du lac CopaÔs, voilées par une brume épaisse.
D'un lent battement d'ailes, un héron fendait de temps à autre le brouillard qui recouvrait les rives marécageuses, pareil à un fantôme; des cris d'oiseaux invisibles perçaient la chaleur humide, comme des invocations étouffées. Des draps noirs pendaient aux portes des maisons et des villages, car la mort avait frappé de nombreuses familles dans leurs liens les
plus chers.
Il atteignit Chéronée le lendemain, à la tombée du soir. Sous le ciel sombre de la nouvelle lune, la ville semblait laissée en p‚ture aux fantômes, et il ne parvint pas à évoquer d'image plaisante de la récente victoire. La plainte du chacal et l~ulu lement des chouettes ne lui suggérèrent que des pensées angoissantes au cours de cette nuit, envahie de cauchemars, qu'il passa sous une tente dressée à l'ombre d'un énorme chêne solitaire.
Son père ne vint pas l'accueillir: il se trouvait en Lyncestide, o˘ il rencontrait les chefs des tribus illyriennes. Le jeune homme regagna le palais après le coucher du soleil, et ne fut
172 ALEXANDRE LE GRAND ~ F FII S Du sONGE 17~
donc fêté que par quelques proches. Fou de joie, Péritas cou rait dans tous les sens, se roulait sur le sol en jappant et en fré tillant, puis bondissait pour lui lécher le visage et les mains.
- Alexandre en fut quitte avec quelques caresses et regagna ses appartements, o˘ l'attendait Campaspé.
La jeune femme se précipita à sa rencontre et se blottit contre lui, puis elle le débarrassa de ses vêtements poussié reux et lui fit prendre un bain, tout en le massant longuement de ses mains douces. Dès qu'Alexandre sortit de la baignoire, elle commença à se déshabiller. C'est alors que Leptine péné tra dans la pièce. Rougissante, elle garda les yeux rivés au sol.
a Olympias souhaiterait que tu la retrouves chez elle au plus vite, lui annonça-t-elle. Elle espère que tu dîneras en sa compagnie.
--Je n'y manquerai pas ", répondit Alexandre. Et tandis que Leptine s'éloignait, il chuchota à l'oreille de Campaspé: " Attends-moi. "
Dès qu'elle l'aperçut, sa mère le serra avec fièvre sur sa poitrine.
" qu'y a-t-il, maman? " lui demanda le jeune homme en s'écartant.
Olympias avait des yeux immenses, aussi profonds que les lacs de ses montagnes natales, et son regard reflétait le violent contraste des passions qui agitaient son ‚me.
Elle baissa la tête en se mordant la lèvre.
" qu'y a-t-il, maman ? " répéta Alexandre.
Olympias se tourna vers la fenêtre pour masquer sa décep tion et sa honte.
" Ton père a une maîtresse.
--Mon père a sept femmes. C'est un homme fougueux, une seule épouse ne lui suffit pas. De plus, c'est notre roi.
--Cette fois, c'est différent. Ton père est amoureux d'une femme qui a l'‚ge de ta
Weitere Kostenlose Bücher