Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
soeur.
--Ce n'est pas la première fois. Cela lui passera.
--Je te dis que c'est différent, cette fois. Il est amoureux, il a perdu la tête. C'est comme... (elle eut un bref soupir)... comme à notre première rencontre.
--C'estdifférent?
--Très différent, affirma Olympias, parce que cette fille est enceinte, et il veut l'épouser.
--qui est-ce ? interrogea Alexandre dont le visage s'était assombri.
--Eurydice, la fille du général Attale. Tu comprends, main tenant, pourquoi je suis inquiète ? Eurydice est macédo nienne, elle appartient à
la plus grande noblesse, ce n'est pas -une étrangère comme moi.
--Cela ne veut rien dire. Tu es d'origine royale, tu descend~ de Pyrrhos, fils d'Achille, et d'Andromaque, épouse d'Hector.
--Des fables, mon fils ! Supposons que cette fille accouche d'un garçon... "
Alexandre, brusquement troublé, observa un moment de silence. " Explique-toi mieux. Dis-moi le fond de tes pensées: personne ne nous écoute.
--Supposons donc que Philippe me répudie et qu'il fasse d'Eurydice la reine de Macédoine, ce qui est en son pouvoir: l'enfant de cette fille deviendrait alors l'héritier légitime du trône, et toi son b‚tard, le fils de l'étrangère répudiée.
--Pourquoi devrait-il faire une chose pareille ? Mon père m'a toujours aimé, il a toujours voulu ce qu'il y avait de mieux pour moi. Il m'a élevé
pour que je lui succède.
--Tu ne comprends pas. Une belle fille peut totalement bou leverser l'esprit d'un homme m˚rj et un nouveau-né accaparera toutes ses attentions parce qu'il lui donnera l'impression d'être jeune, et ralentira le temps qui s'ecoule inexorablement. "
Alexandre ne savait que répondre, mais il était facile de comprendre que ces mots l'avaient profondément troublé.
Il s'assit sur une chaise et appuya le front sur sa main gauche, comme pour rassembler ses pensées. " Comment devraisje réagir, selon toi ?
--Je l'ignore moi-même, admit la reine. Je suis indignée, bouleversée, furieuse de l'humiliation qui m'est infligée. Si seulement j'étais un homme...
--Moi, je le suis ! s'écria Alexandre. . -- Mais tu es son fils.
--queveux-tudire?
-- Rien. L'humiliation au'il me faut sun~orter me fait
~ .
.,,
perdre la raison.
--Alors, que devraisje faire selon toi ?
-- Rien. Rien pour le moment. Mais j ai voulu t en parler pour te mettre en garde, car tout peut arriver, désorrnais.
--Elle est vraiment si belle ? ", demanda Alexandre.
Olympias baissa la tête. Il lui était visiblement difficile de répondre à
cette question. " Plus que tu ne peux l'imaginer. C'est son père, Attale, qui l'a fourrée dans le lit de Philippe. Il a échafaudé un plan, c'est évident, et il sait qu'il peut compter sur l'appui de nombreux nobles macédoniens. Ils me détestent. "
Alexandre se leva pour prendre congé.
" Tu ne restes pas dîner? J'ai fait préparer un repas. Des mets que tu apprécies.
--Je n'ai pas faim, maman. Et je suis fatigué. Pardonne moi. Je reviendrai te voir bientôt. Essaie de rester sereine. Je ne crois pas que nous puissions y faire grand-chose pour le moment. "
Il sortit, bouleversé par cet entretien. Lidée que son père l'écarte brusquement de ses pensées et de ses projets ne l'avait jamais effleuré: n'avait-il pas mérité sa reconnaissance en contribuant de façon déterminante à la grande victoire de Chéronée, et en accomplissant une mission diplomatique fort délicate à Athènes ?
Afin de chasser ces pensées, il se rendit aux écuries. Reconnaissant sa voix, Bucéphale se mit aussitôt à piaffer et hennir. Sa robe était luisante, sa crinière et sa queue aussi bien peignées que la chevelure d'une jeune fille. Alexandre s'approcha et l'embrassa, caressa longuement son encolure et san front.
" Tu es enfin rentré ! dit une voix dans son dos. Je savais que je te dénicherais ici. Alors ? Comment te semble ton Bucé phale ? Tu vois, je me suis bien occupé de lui. Comme d'une belle femme, je te l'avais promis.
--Héphestion, c'est toi ! "
Le jeune homme avança et lui administra une bonne bour rade sur l'épaule.
" Hé, brigand, tu m'as manqué ! "
Alexandre lui rendit son coup. " Toi aussi, voleur de che vaux ! "
Ils se donnèrent une accolade dure et fortej plus forte que l'amitié, que le temps et la mort.
Alexandre regagna ses quartiers tard dans la nuit et trouva Leptine assise devant sa porte, endormie à côté de sa lanterne éteinte.
Il se pencha pour la contempler en silence avant
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