Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
gisait sans sépulture sur le champ de bataille, à la merci des vautours et des chiens, privé d'hon neurs funèbres.
" Et maintenant, écoutons ce qu'il exige en échange de sa générosité, chuchota encore Démosthène.
--En échange, Philippe ne demande qu'une chose aux Athéniens: devenir ses amis et ses alliés. Il rencontrera tous les représentants des Grecs à
Corinthe, à l'automne, afin de mettre fin aux hostilités, d'établir une paix durable et de leur annoncer une entreprise grandiose encore jamais ten tée, à laquelle nous devrons tous prendre part. Pour cela, Athènes devra dissoudre sa ligue maritime et entrer dans la grande ligue panhellénique, la seule possible, que Philippe construit: il mettra un terme aux vieilles luttes intestines de la péninsule et libérera du joug des Perses les villes grecques d'Asie.
" A présent, prenez une sage décision, Athéniens, et donnez-
~moi une réponse afin que je puisse la rapporter à celui qui
~n'a envoyé. "
La proposition fut approuvée à une large majorité, malgré Ie discours enflammé de Démosthène qui demanda la parole
~pour appeler la ville à une ultime résist~nce. L'assemblée vou ~lut toutefois lui confirmer son estime en le chargeant de pro inoncer l'oraison funèbre pour ceux qui étaient tombés sur le ~champ de bataille. Le document que Démade avait paraphé ~fut contresigné par tous les représentants du gouvernement et renvoyé à Philippe.
Dès qu'il apprit cette nouvelle, le roi dépêcha Alexandre à la tête du convoi de chars qui devait emporter les cendres et
~les os des morts, déjà incinérés sur le champ de bataille. Les
~prisonniers avaient reconnu la plupart d'entre eux. Confor ~mément à ces informations, Eumène avait fait inscrire le nom ®des défunts et celui de leur famille sur les petites urnes de
.bois.
Les soldats inconnus étaient regroupés sur les chars de queue, mais les médecins avaient noté les caractéristiques des
®cadavres, leurs signes particuliers quand ils en possédaient, la couleur de leurs cheveux et de leurs yeux.
Pour démontrer sa bonne volonté, Philippe avait aussi
~ajouté une partie des armes afin de faciliter l'identification des ,guerriers anonymes.
" Je t'envie, mon fils, confia-t-il à Alexandre qui s'apprêtait à partir.
Tu vas voir la plus belle ville du monde. "
Ses camarades vinrent le saluer.
" Je te confie Bucéphale, dit le prince à-Héphestion. Je ne
,veux pas le fatiguer ou le mettre en dangeri car le voyage sera long.
--Je le traiterai comme une belle femme, répliqua son ami. Tu peux partir tranquille. Je regrette seulement que...
--quoi?
- que tu ne m'aies pas confié aussi Campaspé à... sur-Iveiller.
--Tais-toi, espèce de pitre ! ", s'exclama Aiexandre en riant.
Il monta sur un robuste moreau qu'un palefrenier venait de lui amener, et lança le signal du départ.
168 ALEXANDRE LE GRAND
Le long convoi s'ébranla dans un grand grincement de roues, suivi par les prisonniers athéniens qui portaient un baluchon contenant quelques effets personnels et des ali ments qu'ils étaient parvenus à acheter. On donna un cheval à Démade, en considération du rôle qu'il avait joué dans la signature du traité de paix.
Les morts thébains gisaient encore sans sépulture, déchique tés le jour par les corbeaux et les vautours, la nuit par les chiens errants et les rapaces nocturnes, sous les yeux de leurs mères qui, accourues de la ville, s'étaient pressées le long du champ de bataille en poussant des gémissements poignants. D'autres entre les murs de Chéronée, pratiquaient d'obscurs rituels de malédiction pour attirer sur Philippe la mort la plus atroce.
Mais les invocations et les malédictions n'eurent aucun effet: le roi refusait obstinément à ses ennemis l'autorisation de récupérer leurs morts et de les enterrer, car il les considé rait comme des traîtres.
Jusqu'au moment o˘ le souverain finit par céder aux insis tances de son entourage, qui redoutait les cor~séquences d'un tel comportement.
Alors les Thébains quittèrent leur ville en vêtements de deuil, précédés par les lamentations des pleureuses. Ils creu sèrent une grande fosse, dans laquelle ils déposèrent les misé rables restes de leurs jeunes gens tombés sur le champ de bataille. Ils dressèrent au-dessus de la tombe un tumulus auprès duquel ils érigèrent ensuite la statue gigantesque d'un lion de pierre afin de symboliser le courage de ces
Weitere Kostenlose Bücher