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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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Toute
la matinée, je le file sans me faire remarquer.

    Vers la fin de l’exercice, fixée à midi, le vieil homme
rencontre, à un croisement de rues, une personne à
qui il demande du feu. Stupeur, l’inconnu est identique au premier : même âge, même moustache,
même pipe, même costume ! Je ne peux m’approcher sans donner l’alerte. Heureusement, leur contact
est bref, et je peux continuer à suivre mon homme
jusqu’au rendez-vous fixé avec l’instructeur.

    Je fais un compte rendu plein d’autosatisfaction,
avant de découvrir qu’après la rencontre des deux
hommes je suis reparti avec l’autre . Seul un détail
les différenciait, auquel je n’ai prêté aucune attention :
leurs chapeaux étaient ornés d’une petite plume
rouge, mais mon « client » la portait à droite et son
sosie à gauche.

    Je découvre au cours de nombreux autres exercices que l’attention ne doit jamais se relâcher,
sauf à commettre des fautes plus ou moins graves.
J’apprends aussi qu’il est plus ardu de suivre
quelqu’un sans se faire remarquer que d’être
conscient de sa propre filature.

    Samedi 23 mai 1942

     

    Thame Park for ever  ?

    Sur le chemin de retour d’un de mes exercices, je
m’arrête à Londres pour rencontrer le capitaine
*Bienvenue. Je ne l’ai pas revu depuis quelque temps
et souhaite lui faire respectueusement part de monimpatience : puisque ma formation de saboteur et
de radio est achevée, qu’attend-il pour m’envoyer en
France ?

    Je suis d’autant plus impatient que certains de
mes camarades ont disparu : Brault, Cheveigné,
Houbigant, Kerjean, Piet. Leur départ silencieux
signifie qu’ils sont partis en mission. Pourquoi pas
moi ? Si je suis nul et que le BCRA ne veuille plus
de moi, je prie le capitaine de me renvoyer à mon
corps d’origine. Au moins, je rejoindrais mes camarades chasseurs quelque part au « front ».

    Le capitaine écoute mes doléances. Quand j’en ai
fini, il me dit, impassible : « Votre tour viendra. Vous
êtes prévu dans les prochains départs. Préparer
votre trousseau civil pour la France  : deux costumes,
quatre chemises, six caleçons, douze mouchoirs,
quatre paires de chaussettes, deux paires de chaussures et un imperméable. »

    Il me répète les consignes de sécurité : « Faites
attention à ne conserver aucune étiquette anglaise.
Le capitaine Piquet-Wicks [officier de liaison britannique avec le BCRA] vérifiera tout en détail au
moment de votre départ. Portez-les tous les jours
afin de les “patiner”. Vous serez prêt à répondre au
premier appel. Lorsque vous aurez tout préparé,
vous pourrez prendre quelques jours de vacances,
vos dernières en Angleterre. Profitez-en bien, car
vous n’aurez plus l’occasion de vous reposer avant
longtemps. » Je l’embrasserais !

    Il m’explique que les opérations aériennes au cours
desquelles nous sommes parachutés se déroulent
sur une période de huit jours avant et après la nouvelle lune. Je vérifie le calendrier lunaire et découvre
avec joie que je partirai autour du 13 juin. Autant
dire demain.

    Vendredi 5 juin 1942

     

    Temps perdu

    Quelques jours plus tard, équipé de pied en cap,
j’appelle le capitaine : « J’ai suivi vos instructions, je
suis prêt.

    — C’est très bien, vous pouvez partir en vacances.
Reposez-vous.

    — Mais la nouvelle lune est dans huit jours.

    — Et alors ?

    — Ne m’avez-vous pas dit que je faisais partie du
prochain départ ? »

    Sa voix se durcit soudain : « Écoutez, mon vieux,
faites ce qu’on vous dit, et partez en vacances. Le
reste, je m’en occupe. » Puis il raccroche.

    Cette fois, j’ai la certitude que je ne partirai jamais.

    Que faire ? Résigné, je pars en vacances,
comme il me l’a conseillé, à Torquay, dans le sud
de l’Angleterre. Pour éviter la galère, j’emporte À la
recherche du temps perdu , titre prémonitoire s’il en est.

    Mercredi 17 juin 1942

     

    Retour à Londres

    De retour à Londres, je me suis installé dans la
pension de famille de Cromwell Road. À ma surprise,
j’y retrouve mon cher Briant, que je croyais en
France !

    Bien que je ne lui pose aucune question, cela meréconforte de n’être plus seul à gémir. Lui aussi attend
impatiemment les ordres du capitaine. Ce soir,
second anniversaire de la défaite de 1940, nous
sommes partagés tous les deux entre l’excitation de
notre départ et le noir souvenir du

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