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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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j’aperçois
un grand jeune homme absorbé dans la contemplation de gravures exposées dans la vitrine. Je n’ai
pas besoin qu’il tienne L’Action française à la main
pour reconnaître mon aviateur anglais, tant il est
l’archétype même des grands garçons à la peau de
fille et aux cheveux blonds qui peuplent la RAF,
après avoir hanté les collèges d’Oxford ou de Cambridge.

    Je crains que la police ne surgisse d’une porte
cochère et que le piège ne se referme sur nous. Mes
objets compromettants (documents, poste de radio,
revolver) sont rue Sala. Pour éviter une catastrophe,
j’ai convenu avec les Moret qu’en cas d’arrestation
j’indiquerais leur adresse comme domicile. Les
grosses sommes d’argent que j’y dépose peuvent se
justifier par sa profession de banquier.

    J’approche de mon aviateur tout en observant les
environs, heureusement déserts. Quand j’arrive à
ses côtés, il me paraît immense. À voix basse, je
murmure good evening . Malgré le danger, je suis
heureux de prononcer ces deux mots qui me transportent dans le passé récent où l’Angleterre était ma
patrie. Il me regarde avec des yeux d’enfant. Nous
parcourons en silence les quelques centaines de
mètres qui nous séparent de ma chambre. Avant de
monter à l’étage, je lui fais signe de garder le
silence, car sa porte ouvre directement sur le palier.

    Ce soir, encombrée d’un visiteur, elle me semble
minuscule. Il m’aide à tirer le matelas de mon lit età l’installer contre la porte d’entrée. Puis il s’étend
tout habillé et s’endort d’un coup. Je pense aux écoles anglaises et au stage de parachutiste entouré
d’aviateurs si semblables à lui. Je m’installe à ma
table de travail pour commencer le décodage fastidieux des câbles de la journée. Absorbé par mon
travail, j’oublie mes craintes.

    Lorsque mon réveil sonne, à 6 heures, mon aviateur sursaute. Je lui explique à voix basse qu’il peut
rester là jusqu’à son rendez-vous avec Paul Schmidt,
qu’il doit rejoindre devant la librairie où je l’ai rencontré. Celui-ci le conduira à Perrache pour prendre le train avec ses camarades jusqu’à Perpignan,
où un passeur les attend.

    Je lui montre, à côté du réchaud, le « café » et les
biscottes que j’ai préparés. Pendant que je termine
ma toilette, il se rendort. Sans lui dire adieu, je quitte
ma chambre à 6 heures et demie pour mon premier
rendez-vous avec * Germain. Me hâtant vers la place
Bellecour, je pense à ce garçon que je ne reverrai
jamais et dont j’ignore tout : il a traversé ma vie
dans l’intimité confiante d’une nuit, sans rompre ma
solitude.

    Vendredi 4 septembre 1942

     

    *Rex, mon seul patron

    Depuis que * Rex a menacé de démissionner, je
guette, non sans crainte, la réponse de Londres. Je
décode enfin le câble dans lequel la France libre
confirme l’autorité exclusive de * Rex sur tous les
agents en mission : « Avez pouvoir pour fixer lamission Rondeau, indépendamment de toutes instructions reçues par lui au départ. » Ce dernier
doit même lui rendre compte de la gestion des
19 000 dollars qu’il a reçus à son départ de Londres.

    Mes craintes étaient donc vaines. J’aurais dû me
souvenir du mot de Briant cherchant à calmer mon
inquiétude après que * Rex m’avait choisi comme
secrétaire : « Ne t’inquiète pas, il sait ce qu’il fait. »

    *Rex m’a demandé de lui trouver une nouvelle
chambre, la sienne étant « brûlée ». Faute de lieu
de rendez-vous depuis plusieurs mois, il y a reçu
des responsables de la Résistance, dont souvent
Georges Bidault. La multiplication des rendez-vous
et des réunions est de plus en plus périlleuse. Pendant des semaines, les chefs des mouvements lui
ont promis un local et des boîtes, sans donner suite,
bien entendu. Il s’est donc décidé à leur révéler la
boîte de sa propriétaire, ainsi que le nom sous lequel
il a loué sa chambre : Joseph Mercier.

    Le plus imprudent est la divulgation de son adresse.
Depuis lors, il a trouvé la nouvelle boîte qu’il m’a
donnée. Mais certains résistants continuent de lui
déposer des lettres à l’ancienne. Un jour, j’ai recueilli
une lettre carrément adressée à * Rex ! Il inventa ce
jour-là pour sa propriétaire une explication plus ou
moins crédible : un surnom affectueux utilisé par
ses intimes.

    Alors qu’il m’informe de cette situation, je suis
très inquiet pour lui,

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