Alias Caracalla
Germain et que toutes les boîtes serontrelevées. Quant à nos communications personnelles, je lui propose d’installer une boîte en face de
chez lui, dans le bureau de Mme Moret à l’Hôtel-Dieu, là-même où il a rencontré M e Kalb. Il pourra
y déposer ses ordres et ses télégrammes. Je l’assure
que je ferai tout pour que le service se déroule normalement.
*Rex me considère avec une indulgence amicale
et ne fait aucun commentaire.
Dimanche 6 décembre 1942
Un visiteur de marque
Les jours passent ; je reste cloué au lit. Grâce au
dévouement de Mme Moret, Suzette et * Germain,
les tâches les plus urgentes s’effectuent presque
normalement. Bien que sans force, je reprends mes
esprits, mais dois attendre la fin de ma convalescence avant de retourner rue Sala, où il n’y a aucun
chauffage et même pas de cheminée.
Alors que * Rex est reparti dans le Midi vendredi
soir, * Germain m’a apporté hier matin une demande
de rendez-vous urgent de la part de * Frédéric. De
passage à Lyon, il avait manqué * Rex et devait rentrer lundi à Paris. Comme il voulait impérieusement
me rencontrer, je n’avais d’autre solution que de lui
révéler l’adresse des Moret. Une heure plus tard,
*Germain glissait un billet dans sa boîte.
Ce dimanche matin, * Frédéric se présente à
8 heures : il réclame le budget du mois de décembre
destiné aux mouvements de zone nord avant de
repartir à Paris le soir même. * Rex ne m’a laisséaucune instruction ; or c’est un homme précis, qui
n’abandonne rien au hasard.
*Frédéric n’est pas un inconnu, et j’ai l’argent.
Mais il s’agit de sommes considérables : plusieurs
centaines de milliers de francs. Comme j’hésite, il
se fait pressant, puis hausse carrément le ton. Craignant un esclandre dans cette maison aux cloisons
de papier, je lui fais signe de parler moins fort.
Pour l’apaiser, je lui propose d’envoyer * Germain
à Paris lui apporter les fonds dès demain, après le
retour de * Rex. Qu’ai-je dit ? Il estime cette solution
humiliante et hurle presque : « * Germain n’a jamais
franchi la ligne de démarcation : bardé de monnaies
étrangères d’origine injustifiable, il sera pris par les
Allemands ! »
S’arrêtant net, il me scrute du regard : « Vous
n’avez pas confiance en moi. Vous savez pourtant
que je suis le représentant de * Rex à Paris. De plus,
je suis un de ses amis d’avant-guerre. » Après le vol
de ma deuxième bicyclette, je ne peux plus commettre d’erreur, d’où ma perplexité. Pour sortir de
l’impasse, je me résous à croire que cet officier de
la Légion d’honneur ne peut mentir.
Je me lève. Dans la cuisine, je soulève le double
fond de la poubelle, que M. Moret a aménagée en
coffre-fort, et compte les sommes demandées. En
possession de son magot, * Frédéric savoure son
triomphe et se fait magnanime : « La Résistance n’est
pas une administration. Nous sommes en guerre,
que diable ! Il faut que chacun prenne des initiatives et assume ses responsabilités. » C’est mot pour
mot la critique que * Rex m’a adressée pour mon
absence d’initiative à l’égard de * Lorrain.
« À la semaine prochaine. J’espère que vous me
reconnaîtrez ! »
Ce soir, quand Mme Moret apporte mon bouillon
de légumes, elle me dit en riant : « La propriétaire a
été très impressionnée par la visite que vous avez
reçue ce matin. Elle m’a dit, admirative : “C’est un
monsieur qui a grande allure : il est décoré de la
Légion d’honneur ! Le camarade de Suzette doit être
quelqu’un d’important pour que des gens comme ça
viennent lui rendre visite. Il est pourtant si jeune.” »
Ce dernier mot m’inquiète plus qu’il ne me flatte.
Sans doute mon visage révèle-t-il un souci, car
Mme Moret ajoute aussitôt : « Je lui ai répondu que
cette visite n’avait rien d’extraordinaire et que cet
officier à la retraite était votre oncle, inquiet de vous
savoir malade. Pour la rassurer tout à fait, j’ai dit
que je supposais, à cause de vos fréquentes visites
ici, que vous étiez amoureux de ma fille. »
Ces mots innocents cherchant à m’apaiser me
gênent plus qu’autre chose : j’y vois une intrusion
dans ma vie sentimentale. J’ai tort. Tout vaut mieux
que des soupçons sur mon activité clandestine.
Lundi 7 décembre 1942
Revoir * Rex
À 8 heures, ce matin, * Rex est devant moi, avec
une
Weitere Kostenlose Bücher