Alias Caracalla
d’être repéré
augmente rapidement au-delà. La raison de l’excessive durée de l’émission vient de ce que la Home
Station exige un accusé de réception tous les vingt
groupes.
Ensuite, se plaignant d’être brouillée, elle clôt la
séance en envoyant le signal QSF bien que Cheveigné
lui indique qu’il reçoit parfaitement. Les câbles ne
sont donc pas transmis.
Manuel, édifié, félicite Cheveigné de sa démonstration : « À mon retour à Londres, je ferai tout pour
vous aider. Mais n’ayez pas trop d’illusions ; nous
n’avons aucun pouvoir sur les Britanniques, sauf
dans le domaine du renseignement militaire. »
Jeudi 21 janvier 1943
Libération et révolution
Le numéro de Franc-Tireur que je reçois ce matin
m’intéresse particulièrement : j’y reconnais la formulation d’idées que je commence à apprivoiser
depuis quelques mois.
D’abord, j’aime la condamnation précise des
vichystes d’Algérie : « On ne défend pas la liberté
avec des complices de la tyrannie. » Cette évidence
pour nous est loin d’être une vérité en Afrique du
Nord, puisque de Gaulle est toujours exilé à Londres.
Une autre affirmation me fait plaisir, qui concerne
les volontaires de la France libre en mission en
France : « Par de Gaulle et ses hommes, la patrie
n’a jamais été absente du combat pour la résurrection nationale et pour la liberté. C’est le gaullisme
qui nous permettra de prendre notre place à la victoire et à la paix, dans l’estime de nos Alliés et le
respect de tous les peuples. »
Dans un autre article, je reconnais l’état de mes
convictions : « Nul ne croit plus que les institutions
politiques et économiques seront demain ce qu’elles
étaient hier. […] Car il ne s’agit plus de réformes,
mais d’une totale refonte du régime, faute de quoi
la misère, le chaos, le désordre et le massacre seront
sur le monde pour des décades. »
Avant de repartir sur le terrain, * Rex me confie
deux câbles à expédier d’urgence :
Rex et Vidal [Delestraint] sur terrain Sif 21-11
parfait état. Attendent départ depuis dix jours.
Faire impossible pour les enlever cette lune.
Le second câble est motivé par la nouvelle dont je
l’ai informé : * Francis, * Froment et * Brémond sont
partis le 15 janvier à Londres, tandis que lui est
toujours en attente. D’où la conclusion du câble :
Suis entièrement d’accord avec Marnier
[Manuel] au sujet Francis. Comité coordination
et moi-même faisons toute réserve sur proposition et action politique Francis et Froment.
Il se termine par ce que * Rex répète dans tous ses
câbles :
Attends toujours avec lune exceptionnelle sur
terrain Sif C parfaitement utilisable et très au-dessus niveau terrain submergé Saône. Fin.
Mardi 26 janvier 1943
En route pour le Vercors
*Rex parti sur le terrain, je dois exécuter un de
ses ordres : examiner les possibilités militaires du
Vercors.
Tôt ce matin, je me retrouve avec Yves Farge dans
un compartiment glacé du train Lyon-Grenoble.
J’ai déjà rencontré à plusieurs reprises cet homme
d’humour et de passion en compagnie de Georges
Altman, lui aussi journaliste au Progrès et militant àFranc-Tireur. Nous avons sympathisé, bien que l’un
et l’autre dépassent la quarantaine.
Par certains côtés, Farge me fait penser à Copeau :
toujours prêt à la critique des hommes et des événements, qu’il raconte avec drôlerie. Il est intarissable sur la vie politique à Vichy et les relations avec
les Allemands, qu’il semble connaître en détail.
Avec sa crinière grise et ses grosses lunettes, il
exprime une générosité communicative, qui me rappelle certains camelots du roi. Sa « foi » n’est cependant pas la même : militant-né, son tempérament
en fait un libertaire intégral.
Les propos enflammés de cette authentique force
de la nature évoquent la libération du peuple, la
solidarité planétaire, la lutte à mort contre l’oppression et en faveur de l’émancipation des pauvres, et
plus précisément l’abolition de la misère par la violence, c’est-à-dire la révolution.
Son lyrisme à la Danton, son engagement total
incarnent la pureté des rebelles. Avec lui, je prends
conscience des passions des hommes de 1789. Farge
est de la race de ceux qui ont lancé le peuple à l’assaut
de la Bastille. Il incarne pour moi cette France
inconnue, que je n’ai rencontrée qu’au
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