Alias Caracalla
de la zone sud
Suivant les instructions de * Rex, je retrouve Hélène
au bureau à 10 heures. * Grammont est à ses rendez-vous. Elle me communique le dossier des câbles,
instructions et papiers me concernant.
Je découvre que les câbles reçus s’accumulent sans
être déchiffrés, ce qui est le cas d’un certain nombre
d’entre eux destinés à Paris. Londres ayant oublié de
donner à * Rex la clef de son nouveau code, les télégrammes qui lui sont adressés demeurent indéchiffrables depuis son retour.
À midi, je rejoins le patron chez lui. Il sort du
Comité de coordination zone sud et est dans un état
d’extrême tension. Comme je suis là pour les affaires de la zone nord, je n’ai droit à aucun commentaire.
« Est-ce que ça marche ? » me demande-t-il. Sa
question ouvrant sur beaucoup de sujets, je réponds
d’un « Oui ! » triomphant et expose l’organisation
du secrétariat et la mise en route des contacts. Mais
le clairon de la victoire n’a pas l’effet escompté :
« Et les transmissions ?
— Malheureusement, * Pal.W [Briant] a été arrêté.
Je reste ici cet après-midi pour examiner avec
*Salm.W [Cheveigné] l’installation à Paris d’un jeune
radio.
— Et alors ?
— Je suis dépendant de * Salm.W, le temps de mettre en route le réseau parisien avec le reste du matériel de * Pal [Ayral]. »
Je suis étonné du calme de ma réponse. Dans une
telle situation, dont j’ai conscience qu’elle est désastreuse, comment aurais-je réagi il y a six mois ?
La netteté de mon propos fait sans doute comprendre à * Rex que je m’efforce de faire en sorte
que « ça marche » et que tout commentaire critique
est inutile. Du moins est-ce ainsi que j’interprète la
manière amicale avec laquelle il me considère :
« Quoi de neuf à Paris ?
— J’ai rencontré * Passy, qui a fixé la réunion
d’état-major au 12 avril. Elle aura lieu rue de la
Faisanderie, à 9 heures du matin.
— Comment vous a-t-il traité ? »
Ignore-t-il les relations d’un jeune sous-lieutenantavec son colonel, chef des services secrets ? « Mais…
très correctement. » J’ai envie de rire, mais n’étant
pas sûr que * Rex apprécierait, je m’abstiens, et lui
indique la liste des participants dictée par * Passy.
Pour le reste, je l’informe que Kaan souhaite le
rencontrer, ainsi que * Sermois, * Maxime 17 et * Revel.
*Morlaix m’a demandé de leur distribuer leurs budgets, ainsi que celui de Ceux de la Libération et des
subsides pour aider les militants des groupes de
*Frédéric qui ont échappé à l’arrestation en entrant
dans la clandestinité. Je lui indique mes versements
à la CGT ainsi qu’au BOA.
*Rex fixe les dates de rendez-vous avec les uns et
les autres et me donne son accord pour les demandes de * Morlaix. Pour finir, il m’enjoint de le retrouver à dîner en compagnie de Bidault, à 7 heures.
Je me réjouis de les accompagner, comme autrefois, au restaurant. Au cours de ces allers-retours,
les dîners avec Bidault sont des moments de détente,
même quand les sujets ne s’y prêtent guère. Ce soir,
*Rex raconte les réunions du Comité directeur qu’il
a présidées ces derniers jours.
Il a constaté dès la première séance que l’hostilité
des dirigeants de la zone sud s’est accrue à la
mesure des absences, leur laissant de plus en plus
d’autonomie. Ils ont découvert durant son séjour de
plus d’un mois à Londres qu’ils pouvaient se passer
de lui. Du coup, ils ne se sentent tenus par aucune
obligation.
*Rex détaille ensuite la séance d’hier consacrée
aux nouvelles fonctions de Delestraint pour toute la
France. Après qu’il leur eut annoncé la nomination
du général au poste de commandant en chef del’Armée secrète des deux zones, ce dernier a exposé
ses conversations de Londres avec l’état-major allié
et ses résultats : promesses de livraisons d’armes ;
coopération de l’Armée secrète aux opérations
alliées ; mise à l’étude d’un Débarquement anticipé.
Sur ce dernier point, Delestraint attend les conclusions de Londres pour modifier la préparation des
opérations.
Le général a expliqué comment les Alliés envisageaient l’utilisation de l’Armée secrète au moment
du Débarquement : un vaste réseau de groupes francs
se livrant à des opérations ponctuelles de sabotage
et à des attaques-surprises. Il en a déduit qu’il fallait
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