Alias Caracalla
inadmissible que des agents envoyés par Londres et s’exprimant au nom du Général ne tiennent pas un discours
unique. Je suis obligé de prendre la situation telle
qu’ils l’ont créée et d’attendre leur départ, que j’espère
proche, pour la modifier. »
Pour * Morlaix, ce comité de coordination zone
nord devrait ne pas exister, puisqu’il est question de
créer un Comité directeur interzone. * Rex, agacé
par son obstination, répète : « Je ne peux rien changer
tant qu’ils sont là. Le comité interzone verra le jour
dès que les zones sud et nord se seront rencontrées
sous ma présidence. Ce sera un peu plus long que
prévu, mais j’y arriverai. »
Dimanche 4 avril 1943
*Rex dans ses meubles
Pour la première fois, je me présente chez * Rex,
rue Cassini. Visiblement, il est fatigué par le rendez-vous d’hier avec les chefs de mouvement. En dépit
d’une atmosphère infiniment plus luxueuse qu’à Lyon,
nous reprenons nos habitudes : il fait sa toilette
pendant que, de sa chambre, je lui lis quelques
extraits de presse. Puis, quand il est prêt, nous nous
installons à la table du living, et je lui sers son petit
déjeuner, que j’ai préparé.
Je prends conscience de la différence de standing :
ici, dans ses meubles, il est vraiment le patron. Je
me permets de lui faire remarquer le changement :« Ne vous fiez pas aux apparences. D’une certaine
manière, ce sera plus difficile qu’à Lyon. * Brumaire
est passé par là, et il y a trop longtemps que les
chefs de la zone nord travaillent seuls. Mon unique
espoir est de parvenir à les réunir plus tard avec les
chefs de la zone sud dans la Commission permanente. »
Il me donne rendez-vous pour dîner à 7 heures.
Lundi 5 avril 1943
Nouveau départ
Rue Cassini, * Rex me fixe les dernières consignes
avant son départ ce soir pour Lyon. Il me répète
qu’il a l’intention d’effectuer la navette entre les deux
zones.
Je dois venir le voir là-bas tous les deux jours et,
en cas d’urgence, le rejoindre immédiatement. Afin
de franchir la ligne sans prendre le moindre risque,
je dois apprendre par cœur les rendez-vous et les
questions les plus dangereuses. Pour les informations anodines, je lui apporterai les documents.
À Lyon, je devrai, dès mon arrivée dans la matinée, me rendre au bureau pour consulter les derniers
documents venant de Londres ayant quelque relation avec la zone nord : télégrammes, lettres, instructions, rapports. Les questions des mouvements de
zone sud ne me concernent plus.
À 11 heures, je le rejoindrai place Raspail, où, après
avoir travaillé, nous irons déjeuner ensemble jusqu’à
1 heure. Je pourrai rentrer à Paris après déjeuner :
« Je veux que vous soyez au courant de mes relations avec Londres et des questions en cours qui
concernent la zone nord. À Paris, vous m’attendrez
à mon retour avec les nouvelles pièces, et vous
m’apporterez, lorsque j’en aurai besoin, les derniers
courriers de zone sud. »
Après l’avoir quitté, je retourne chez Mme Scholtz,
où j’ai déposé provisoirement l’argent de la Résistance. Mon premier « client » est Louis Saillant, de
la CGT, à qui je dois remettre 1,2 million de francs.
C’est la première fois que je distribue de l’argent à
Paris.
Incertain des habitudes de la Résistance dans la
capitale, je lui fixe rendez-vous dans un grand café
de la rue Saint-Lazare en lui demandant de tenir
le journal Signal . Pour l’argent, j’utilise la même
méthode qu’à Lyon : je me promène avec un livre et
quelques journaux à la main, dans l’un desquels j’ai
enveloppé la somme.
Malheureusement, je n’ai pas précisé à Saillant
que le rendez-vous serait à l’intérieur du café. Arrivé
en avance, il m’attend à la terrasse, son journal posé
sur la table. Instantanément, je pense à poser le mien,
contenant l’enveloppe, à côté du sien, dont je me
saisis aussitôt pour lui faire bien comprendre la
manœuvre.
La seule chose que Saillant me demande est un
rendez-vous avec * Rex. Je lui explique qu’il part
aujourd’hui et qu’il reviendra à Paris dans une huitaine de jours. Comme il insiste, je lui fixe un rendez-vous dès le retour du patron, le 11 avril.
Après mes deux échecs pour me loger, mon premier travail est de trouver un lit en sécurité. Ayralm’a communiqué l’adresse d’un agent immobilier
avenue Mozart. Dans ce Paris, tout est
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