Alias Caracalla
partie des réunions auxquelles il participait et dont la préparation et l’organisation incombaient au secrétariat.
Il m’explique que l’essentiel du travail s’exécute
maintenant au bureau en compagnie d’Hélène, sa
secrétaire. La radio fonctionne de façon satisfaisante. Grâce à Brandy, le réseau de * Simon,
Cheveigné a établi un vaste maillage d’emplacements
avec * Goujon 5 , lequel, grâce à sa moto, le transporte
rapidement de l’un à l’autre. Le seul point noir,
pour * Grammont, est l’attente du nouveau code de
*Rex, qu’il espère voir arriver en même temps que
*Coulanges.
Je l’interroge sur les chefs des mouvements :
« C’est de pire en pire. Lorsque je vois la haine qui
anime * Charvet [Frenay], je me demande si * Rex
pourra le faire obéir un jour.
— Ne t’en fais pas, il les aura.
— Je souhaite que tu aies raison. »
Ce soir, à 7 heures, je rejoins * Marquis 6 , adjoint de
Fassin et officier de liaison avec Combat, au restaurant en compagnie de * Coulanges. J’aurais reconnuce dernier même au milieu de la foule de la rue de
la République : sa chemise, son costume, ses chaussures, tout annonce un étranger.
Avec son langage châtié, cet homme d’une trentaine d’années n’est visiblement pas un résistant.
Même ceux qui lui ressemblent le plus, Paul Bastid
ou François de Menthon, ont un je-ne-sais-quoi dans
l’allure qui les confond avec le commun des Français.
Leurs différences sont sociales — ils appartiennent
à une autre classe —, mais ils n’ont pas l’allure insolente des agents de Londres, hommes de liberté, qui
nous distingue des autochtones.
Je m’installe à leur table : « André Philip vous a-t-il remis une lettre pour * Rex ?
— Je vous apporte tout un courrier de Philip, mais
aussi de Jacques Bingen et des services politiques. »
Au bout d’un moment, je pose la question brûlante qui nous hante tous : « De Gaulle va-t-il bientôt partir à Alger ? » * Coulanges paraît surpris de ma
question. « Les négociations sont plutôt satisfaisantes, puisque Giraud condamne le régime de Vichy
et le serment de Pétain en même temps qu’il fait
acte d’allégeance à la République. Philip a travaillé
avec le Général pour lui expédier une lettre programme, pour l’instant sans réponse. Cependant,
Eisenhower, le commandant en chef américain, a
refusé l’arrivée de De Gaulle pour des raisons militaires.
— Alors, c’est fichu ? Le Général n’ira jamais à
Alger ?
— Mais non, voyons : ce n’est qu’une péripétie. »
Après dîner, je présente * Coulanges à Mme Martin,
qui paraît enchantée d’avoir pour locataire un homme
si « comme il faut ».
Après l’avoir quitté, je cours prendre mon wagon-lit réservé.
Le passage de la ligne de démarcation, en gare de
Chalon, me réveille. Comme la première fois, je
guette, non sans inquiétude, les allées et venues
bruyantes des Allemands dans le couloir. Après une
attente interminable, le bruit décroît, puis, au milieu
du silence rétabli, le train s’ébranle enfin. Est-ce la
fatigue, l’habitude ? je me rendors.
Dès mon arrivée à Paris, je rejoins mon abri de
la rue des Marronniers. Après un bain réparateur,
je dépouille le courrier de Londres. Découvrant les
notes de Philip, sa lettre et celle d’un inconnu,*Cléante 7 , je mesure la place exceptionnelle de *Rex
au cœur de la France libre. Ces documents donnent
en outre certaines précisions qui m’éclairent sur les
opinions politiques de mon patron.
Il y a aussi, malheureusement, la confirmation
par Philip du refus de Churchill d’aider les maquis :
1. On ne dispose pas encore d’avions en nombre suffisant. Pour faire les parachutages massifs
demandés, il faut distraire les avions actuellement engagés dans l’offensive aérienne contre
l’Allemagne.
2. Comme une action immédiate ne peut être
encore envisagée, on craindrait que de tels envois
ne constituent un encouragement à une insurrection prématurée.
D’où la confirmation des directives rapportées
par * Rex : accord pour le sabotage industriel et
administratif de la déportation et pour la dispersion
des maquis, mais refus d’encourager une résistance
armée.
Sur le plan politique :
2 o Encouragement à la dispersion des jeunes
gens, appels et organisation de la solidarité à leur
égard. Nous allons accroître à ce sujet les moyens
financiers mis à
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