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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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« Tu sais
bien qu’au BCRA c’est le même bordel qu’ici. C’est
pour ça que ça ne marchera jamais ! » Je suis révolté
par son pessimisme, mais prends le parti d’en rire,
parce qu’il a raison.

    En sortant, nous longeons les quais en remontant
vers la place Bellecour. Cela fera bientôt un an
que nous nous sommes retrouvés devant la librairie
Flammarion. Nous allons nous séparer, mais pour
combien de temps ? Peut-être pour toujours ? Nous
marchons en silence.

    Lui : « À quoi tu penses ?

    — Tu le sais bien.

    — Tu ne changeras jamais ! »

    Il part en riant vers le parc de laTête-d’Or 9 .

    Il fait un temps de bonheur. Seul à nouveau, je ne
peux me débarrasser d’une crainte irraisonnée. Un
homme, stationnant au coin d’une rue, est un flic en
civil ; un autre, lisant son journal à la terrasse d’un
café, me surveille ; une femme, sur un banc avec son
enfant, ne peut être qu’une indicatrice…

    Repris par le délire que j’ai connu l’après-midi de
la réunion du Conseil de la Résistance, je décide
de rentrer rue des Augustins, où je suis en sécurité.
Montaut étant sorti, j’ai du temps jusqu’au dîner.

    Soudain, un vide immense m’entoure : silence et
inaction. Depuis combien de temps n’ai-je pas connu
cette disponibilité aux limites de l’ennui ? Je feuillette
quelques livres qui traînent sur la commode et me
plonge dans Le Diable au corps , que je n’ai pas lu.
Cette histoire d’un amour de guerre qui finit mal
m’enchante par la rapidité du style et l’impétuosité
juvénile des relations amoureuses. Soudain, tout
s’obscurcit : Domino ! Ce roman est mon histoire,
que Carquoy m’a révélée il y a quelques mois à
Toulouse. Pendant que j’étais au front, elle a rencontré un garçon, en dépit de mon don total quoique puéril, et celui-ci l’a engrossée. Il est vrai que
nous n’étions pas fiancés.

    À 7 heures, je file retrouver Copeau. Viendra-t-il ?
Quand j’arrive, il est déjà là : « Depuis que tu es à
Paris, je ne te vois plus. Tu méprises les provinciaux ?
Tu as tort, la France c’est eux, hélas ! » Il rit.

    Sa présence est stimulante  : même quand il ne fait
rien, il rayonne. À ses côtés, je me juge un paresseux récidiviste. Ses premiers mots : « Quelles sont
les pièces de théâtre que tu as vues ? » Heureusement
que je connais son humour. Malgré tout, sa question
m’agace et me rappelle l’insistance de mon patron
pour que j’aille voir les expositions de peinture.

    Puis il me demande tout à trac : « Les mouvements de zone nord t’ont séduit, avoue-le ! » Je n’ai
pas de mal à le convaincre du contraire, car je n’aiétabli à Paris aucune relation avec quiconque : tous
me paraissent prétentieux. J’ajoute : « À l’exception
de Gaston Tessier, de la CFTC, qui est un charmant
vieillard avec qui j’ai eu de longues conversations
quai Branly, et de * Médéric, volcanique et bon enfant.
Les autres me harcèlent sans répit et passent leur
temps à se plaindre. Heureusement, il y a aussi * Kim
[Schmidt].

    — Tu as raison, c’est le meilleur. Mais quel caillou,
et puis il est pas un peu fasciste, ton copain ?

    — Mais non, il est PPF ! »

    Il s’esclaffe  : « Je constate que tu fais partie de ceux
qui croient que Doriot est encorecommuniste 10  ! »
J’aime son rire désarmant : celui des enfants qui
jouent.

    Tout à coup, il me contemple comme un magnétiseur : « J’ai découvert quelque chose d’énorme :
*Charvet [Frenay] complote avec les Américains
contre * Rex et la Résistance ! » Croyant qu’il évoque
l’affaire suisse, je le regarde d’un air entendu : « Je
sais, * Rex s’en plaint souvent.

    — Je te parle d’une nouvelle affaire ; l’autre n’est
rien en comparaison. Personne n’est au courant.
J’attends le départ de * Charvet pour en parler à
*Rex. Je crois qu’il va le massacrer ! »

    Il y a quelques jours, il a trouvé une lettre de Frenay
déposée dans sa boîte par erreur : « Elle était destinée à * Lorrain. Ce n’est peut-être pas brillant, mais
je l’ai lue. » Son regard pétille. « Tu ne dis rien ? »
Silence gêné.

    Il reprend : « Il annonçait que Dulles avait obtenudes fonds illimités pour les résistances et que c’était
lui qui serait chargé de les distribuer ; et tout ça
sans dire un mot de * Rex, ce qui veut dire qu’il prend
sa place. » Je ne dis

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