Alias Caracalla

la solitude tragique de * Rex qu’il
ait dû attendre cinq jours pour connaître l’arrestation
de Delestraint !

    C’est un de mes arguments pour condamner la
longueur de son séjour en zone sud, qui est pour
moi incompréhensible.

    Je découvre ensuite le billet que * Rex a ajouté pour
*Passy, dont le ton tranche sensiblement avec celui
de la lettre au Général :

Je vous envoie ci-joint deux plis, un pour le
Général, le second pour PH [Philip].

    Je les envoie ouverts pour que vous n’ayez pas
la peine de les passer au cabinet noir. Et ensuite
pour que vous soyez au courant.

    Mais je vous demande de garder pour vous seul
le contenu des deux lettres portant la mention
« strictement personnelle ».

    Je suis très mécontent qu’on n’ait pas envoyé
M, P et St J.

    Vous avez pris là (je parle des gens de Londres)
une terrible responsabilité.

    Maintenant, il faut réparer, c’est-à-dire, agir et
agir vite.

    Tout est dit, bien sûr, mais à Londres, * Passy est
le maître de la mission * Rex. Sa connaissance de
la situation en France, d’où il revient, renforce un
pouvoir qui met * Rex à sa merci, sinon en danger.

    Parmi les télégrammes reçus, deux me concernent.
Le premier contient enfin l’annonce de l’arrivée d’un
officier sur les cinq réclamés par * Rex depuis des
mois :

Informons Luc 13   que comptons acheminer
Sophie [ * Clovis] je répète Sophie et Nard 14   par
opération Hudson ZNO top. Par même opération
vous adresserons courrier et quatre-vingt-deux je
répète quatre-vingt-deux millions francs top.

    Sur un point au moins, * Rex a été entendu : l’argent
arrive enfin pour l’aider à contrôler les maquis et
l’ensemble de la Résistance.

    Le second câble est pour moi une curiosité : c’est
le refus par Londres de recevoir Darnand, dont, il
y a quelques jours, la proposition par * Rex de
l’envoyer là-bas m’avait scandalisé : « Votre proposition Darnand je répète Darnand moralement
inacceptable. »

    À midi, je monte à l’entresol du Coq au vin . Je
suis à peine assis que * Rex est devant moi. Depuis
toujours, il est le plus ponctuel de mes rendez-vous
quotidiens, sauf quand il ne vient pas.

    À cette heure, nous sommes seuls. Dos à la fenêtre, il observe la petite salle, prêt à faire face au
danger. Bien qu’il soit à contre-jour, je remarque
ses traits tirés. Même à Paris, où les trois semaines
de préparation du CNR ont été épuisantes, il ne m’a
jamais paru aussi las. Hier soir, pourtant, dans l’obscurité, je l’ai cru reposé. Ce matin, il a maigri d’un
coup : sans doute n’a-t-il pas dormi depuis notre
entrevue ?

    Un détail le préoccupe. Delestraint avait rendez-vous à Paris avec * Didot 15 . Or * Rex vient d’apprendre — sans m’indiquer sa source — que * Didot est
revenu à Lyon ce matin et qu’il tente de reprendre
contact avec des résistants. Pourquoi n’a-t-il pas été
arrêté en même temps que le général, avec lequel il
avait rendez-vous ? Ce détail l’intrigue.

    Pour vérifier le déroulement des événements, * Rex
les retrace : si * Didot a rencontré Delestraint au
métro Passy, c’est que le général est tombé « après »
leur rencontre. « Il n’y a que deux hypothèses, dit-il
comme à lui seul : ou bien * Didot s’est enfui avant
d’être arrêté avec Delestraint, ou bien il s’est évadé
après leur arrestation commune. »

    Puis, s’adressant à moi : « Il faut être prudent. ÀParis, demandez à tout le monde de n’accepter aucun
rendez-vous avec lui tant que nous n’aurons pas
éclairci cette affaire. Dites à * Morlaix et * Dupin [Kaan]
de ne pas l’ébruiter. Exigez la discrétion de tous. »

    *Rex poursuit : « L’arrestation de *Vidal [Delestraint] arrive au pire moment. * Charvet [Frenay]
attend son départ pour Londres, où il va demander
ma révocation. Le chef de Combat doit ignorer cette
arrestation. » Puis, en me regardant : « En attendant
la désignation par le Général d’un nouveau commandant en chef, je vais désigner un intérimaire.
J’espère que la lettre que je lui ai écrite arrivera à
Alger avant * Charvet. »

    J’écoute attentivement * Rex esquisser sa stratégie : le danger à Lyon vient de * Barrès, qui remplace
Frenay au Comité directeur pour les affaires militaires. Maintenant que Delestraint n’est plus là pour
s’opposer aux prétentions de Combat, * Barrès sera
soutenu par les