Alias Caracalla
brusquement.
Mardi 15 juin 1943
Déjeuner au Coq au vin
*Grammont est réapparu : il avait effectivement pris
des congés. J’occupe ma matinée avec lui au bureau
des Capucins. Je le mets au courant des événementsparisiens 11 et organise avec lui le remplacement de
Suzette. Je l’informe qu’après le départ pour Londres
de Cheveigné, c’est Montaut qui dirigera la WT.
Il me montre, avant leur expédition, les lettres
que * Rex vient d’écrire à de Gaulle et au ministre de
l’Intérieur à la suite de ma révélation :
Mon Général,
Notre guerre, à nous aussi, est rude.
J’ai le triste devoir de vous annoncer l’arrestation par la Gestapo, à Paris, de notre cher
Vidal [Delestraint].
Les circonstances ? Une souricière dans laquelle
il est tombé avec quelques-uns de ses nouveaux
collaborateurs.
Les causes ?
Tout d’abord la campagne violente menée contre
lui et contre moi par Charvet qui a, à la lettre,
porté le conflit sur la place publique et qui a, de
ce fait, singulièrement attiré l’attention sur nous.
(Tous les papiers de Charvet sont, vous ne
l’ignorez pas, régulièrement pris par la Gestapo.
Il y a quelques jours encore, celle-ci a mis la
main, dans la propre chambre de Charvet, sur
tous les comptes rendus du Comité directeur
des MU.)
Ensuite, et là permettez-moi d’exhaler ma mauvaise humeur, l’abandon dans lequel Londres
nous a laissés en ce qui concerne l’AS.
Il y a trois mois, lorsque je me trouvais auprès
de vos services, j’ai réclamé pour l’AS trois officiers
susceptibles de constituer l’armature de l’EM [état-major] de Vidal. Malgré des rappels incessants, je
n’ai pu obtenir satisfaction.
Vidal, alors que Charvet lui dressait les pires
embûches, a dû reprendre l’AS à zéro et travailler
tout seul pour remonter un instrument sérieux.
Il s’est trop exposé, il a trop payé de sa personne. Il lui fallait les collaborateurs que nous
avions demandés. Il y a trois semaines, je vous
ai adressé à ce sujet un câble appelant votre
attention sur le tragique de la situation et sur la
responsabilité grave que prenait la France combattante en refusant de nous envoyer le personnel demandé.
Aura-t-il fallu que le pire arrive pour que des
mesures soient prises ?
Étant donné la situation présente ici, il n’y a
plus qu’une issue : nous envoyer d’urgence, c’est-à-dire cette lune, 1 o un officier général ou un officier
supérieur qui prenne la succession de Vidal, 2 o les
trois officiers que nous avons jusqu’à ce jour
réclamés en vain.
J’ai tenu secrète l’arrestation de Vidal. Il n’y
a pas une minute à perdre. Tout peut encore être
réparé.
Mais il faut que personne à Londres et à Alger
ne soit au courant et surtout pas les chefs des
mouvements.
Le nouveau chef de l’AS ne doit être désormais
connu ici que de son chef d’EM et de moi-même.
Dans cette affaire, plusieurs de mes meilleurs
collaborateurs civils ont été pris. J’ai pu, une fois
encore, m’en sortir.
Vous pourrez compter sur toute mon ardeur et
toute ma foi pour réparer le mal qui a été fait.
Je dispose personnellement, maintenant, de deux
secrétariats bien organisés dans chacune des
zones et j’ai enfin trouvé ici les deux suppléants
qui désormais me doublent dans l’une et l’autre
zone.
C’est l’AS qu’il faut sauver. Je vous en supplie,
mon Général, faites ce que j’ai l’honneur de vous
demander.
Votre profondément dévoué.
REX
Je m’excuse de la forme de cette lettre, que je
vous écris in extremis avant le départ du courrier.
Cette lettre terrible me frappe par son autorité et
ses accusations : * Rex se bat seul, et Londresl’abandonne 12 . J’accuse * Brumaire et * Passy, maître du
BCRA, de s’opposer à l’envoi de tout collaborateur
nécessaire à * Rex. Opposés à sa politique, ils ne
souhaitent pas sa réussite ; surtout * Passy, certainement ulcéré par l’attitude de * Rex à l’égard de
*Brumaire. N’est-ce pas la raison pour laquelle le
patron n’obtient pas, depuis trois mois et après
maintes réclamations, la venue de * Saint-Jacques,
*Morinaud et Pélabon, dont il a besoin pour contrôler l’Armée secrète ?
L’arrestation du général Delestraint est un coup
très dur pour sa politique militaire, au moment où
les événements d’Alger, pour le peu que nous en
savons, mettent de Gaulle en difficulté. Quelle
meilleure preuve de
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