Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
Rapidement, il se moule
sur la singularité des habitudes corporelles.

    Au rapport du soir, la section prend une allure
martiale dont nous sommes très fiers.

    Mercredi 17 juillet

     

    Vive la paie !

    Je ne me suis jamais préoccupé de la manière
dont j’allais survivre en exil. J’ai toujours vécu sans
préoccupation matérielle, ma famille pourvoyant à
tout. Je n’ai pas non plus réfléchi au prix de l’existence que je menais, tant elle me semblait naturelle.
Mes parents ne parlaient jamais d’argent. Je n’imaginais pas qu’un jour je devrais « gagner ma vie ».

    Cette insouciance explique mon désintérêt pour
les études, dont je ne comprenais pas l’utilité  : j’avais
sous les yeux l’exemple de mon grand-père Gauthier,
qui vivait confortablement sans avoir jamais travaillé. Il possédait immeubles et propriétés, passait
ses week-ends à la chasse, l’hiver sur l’étang de
Biscarosse, l’été sur sa « pinasse » du bassin
d’Arcachon.

    Tandis que je me préparais à l’imiter, personne
ne m’avait détrompé. Pourquoi aurais-je changé en
arrivant en Angleterre ? Quelle n’est pas ma surprise lorsqu’on nous distribue notre solde, calculée
à partir de notre engagement, le 1 er juillet ! Quinze
jours, soit 1 livre et 30 shillings. C’est la première fois
de ma vie que je reçois une somme d’argent que j’ai
« gagnée ».

    J’en tire une grande satisfaction, car je découvre
qu’elle a une valeur très différente de celle offerte
par mes parents. Ne sortant pas et dépensant peu à
la cantine, c’est une somme importante, qui s’ajoute
au reste du pécule de mon beau-père.

    Après l’uniforme, la paie marque mon intégration
définitive dans l’armée, la vraie vie.

    On nous attribue aussi un Soldier’s Service and
Pay Book , sur lequel notre solde est enregistrée, à
côté d’autres renseignements, comme nos dates de
promotion et notre situation sanitaire. Aucun d’entre
nous n’ayant de papiers en règle, ni pour la plupart
de passeport, le Pay Book devient notre seule pièce
d’identité en Angleterre.

    Il est accompagné de recommandations : nous en
sommes personnellement responsables ( personally
responsible ) et devons toujours le porter sur nous
( always carry ) afin de le produire à la requête des
autorités militaires. Sur la page de garde, un « avertissement » ( all ranks ) est imprimé en lettres grasses : il énumère les règles de sécurité, comme de ne
jamais avoir de discussion sur les questions militaires avec toute personne étrangère à l’armée ( be on
your gard and report any suspicious individual ).

    À l’occasion de l’établissement de ce document,
nos supérieurs nous ont proposé de changer de nom.
Cela concerne les volontaires craignant pour la sécurité de leur famille. C’est l’occasion pour moi de
modifier mon état civil, ce dont je rêve depuis longtemps.

    Au collège, mes professeurs et mes camarades
estropiaient souvent mon nom difficile à prononcer
parce que peu commun. Mon père en était fier parce
que nous étions les seuls en France à le porter. Mais
il y avait, pour moi, une raison plus impérieuse. Dès
mon enfance, ma grand-mère Gauthier se moquait
de ce patronyme imprononçable. L’identification à
mon beau-père, substitut de mon père dans mes
admirations d’adolescent, me poussait à adopter
son nom.

    Vers l’âge de dix-sept ans, j’avais fait imprimer
des cartes de visite au nom de Cordier-Bouyjou.Mon père les avait découvertes et m’avait rappelé
sans acrimonie que mon nom authentique était le
sien, Bouyjou. Il ne m’avait pas interdit d’utiliser le
nom de ma mère, à condition de respecter l’ordre
légal de présentation : Bouyjou-Cordier.

    En Angleterre, grâce à l’offre de nos supérieurs,
j’ai enfin réalisé mon vœu, sous le prétexte de ne
pas mettre en péril mon père, qui vit en zone occupée : pour la première fois de ma vie, les deux noms
sont accolés dans un documentofficiel 2 .

    Jeudi 18 juillet 1940

     

    À quoi rêvent les plantons ?

    Je suis désigné pour effectuer mon premier tour de
garde, cette nuit, dans le local de la compagnie. Installé dans la pièce attenante au bureau du capitaine
Lalande, mon rôle est de l’alerter par téléphone en
cas de communication urgente.

    La tâche n’est pas absorbante, mais il m’est interdit de dormir. Depuis l’installation dans le camp, nous
vivons dans

Weitere Kostenlose Bücher