Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
mariée au frère de ce dernier, Thibaud de Blois ; ce même Thibaud qui avait tenté de s’emparer d’Aliénor juste après son divorce. Par ces deux mariages, Louis devient le beau-frère de ses propres filles ; il est bien évident que ce choix de la famille Blois-Champagne a été fait en partie contre les Plantagenêt et que l’avis de la mère, Aliénor, n’a pas été sollicité.
Les souverains anglais passent séparément les fêtes de Noël 1165, Henri en Angleterre et Aliénor à Angers. À la fin de l’hiver, le roi traverse la Manche. Il est en mars à Falaise où il réunit son armée. Il retrouve ensuite la reine dans la capitale angevine. Ils y passent ensemble les fêtes de Pâques. C’est vers cette période que les fiançailles de la petite Mathilde avec Henri le Lion sont conclues. La fiancée a tout juste dix ans, son futur mari vingt-sept de plus qu’elle. Il a répudié sa première femme parce qu’elle ne lui donnait pas d’héritier mâle. On sait donc ce qu’il espère de son mariage avec une princesse d’Angleterre, et de ce point de vue là il sera comblé : leur fils, Othon de Brunswick, petit-fils d’Aliénor et d’Henri, deviendra Othon IV, empereur d’Allemagne. Un autre projet de mariage occupe les souverains anglais à cette époque, celui de la jeune Aliénor avec le roi Alphonse VIII de Castille. Les négociations sont en bonne voie et, de fait, il sera conclu en 1168.
Henri reste quelques semaines à Angers auprès de sa femme et se lance, au début de l’été, dans sa campagne bretonne. Son objectif est de mettre fin aux révoltes de barons frontaliers avec le domaine angevin qui défient l’autorité du Plantagenêt. Ces révoltes ont, dans les mois précédents, pris l’allure d’une fronde organisée dont on murmure que le roi de France en est un discret mais habile soutien. Henri, comme à son habitude, agit vite. Il frappe au cœur de la rébellion en s’emparant de la ville de Fougères. Le roi d’Angleterre a rapidement le dessus sur les troupes bretonnes, obligeant le duc Conan IV à accepter un mariage entre sa fille unique, Constance, et Geoffroy, le troisième fils d’Henri et d’Aliénor. Le Plantagenêt en profite pour s’autoproclamer gardien du duché et convoque les barons bretons à Thouars afin qu’ils lui fassent serment d’allégeance. L’autorité de Conan sur son duché n’est plus que théorique. La Bretagne fait d’ores et déjà partie de l’empire Plantagenêt. Il restera bien quelques irréductibles avec à leur tête le comte de Vannes mais ce ne sera plus qu’un combat d’arrière-garde. À la fin de l’année suivante, ils ont déposé leurs armes, le duc Conan a abdiqué en faveur de Geoffroy et Constance et, les jeunes époux étant tous les deux mineurs, le roi d’Angleterre est officiellement reconnu régent du duché.
À l’automne 1166, le roi et la reine regagnent l’Angleterre. Aliénor est de nouveau enceinte. L’enfant à naître sera leur huitième. La reine a plus de quarante ans. Ses dix grossesses n’ont pas altéré son apparence physique. Elle est toujours aussi belle, mince et altière. Le roi, lui, commence à changer physiquement. Son crâne se dégarnit peu à peu pour ne conserver que quelques cheveux roux sur la nuque et autour des oreilles. Il prend du ventre ; sa silhouette en devient d’autant plus curieuse qu’il conserve des jambes fines et musclées.
La reine ne sait pas qu’elle vit les dernières semaines heureuses de sa vie d’épouse. Le mariage de Mathilde, celui de Geoffroy et l’annexion de la Bretagne, la future alliance matrimoniale avec la maison de Castille ; Henri et Aliénor ont encore réalisé cela ensemble, unis dans la même ambition. Peut-être pense-t-elle que l’enfant qu’elle porte est la preuve, une nouvelle fois, que leur mariage est béni par la providence, que Dieu, en leur donnant ces enfants, leur offre un moyen supplémentaire de concrétiser leurs ambitions – à quoi servent les mariages princiers ! Pourtant c’est au cours des semaines qui entourent la naissance de leur dernier fils, Jean, à Oxford le 24 décembre 1166, que la relation entre Henri et Aliénor se désagrège brusquement.
C’est à ce moment-là qu’une femme apparaît dans la vie d’Henri : Rosemonde. Nous ne savons pas exactement quand ils se sont rencontrés. Est-ce au cours de l’année 1165, alors que le roi guerroyait contre les Gallois et que la reine
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