Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
négociations pendant lesquelles il a montré ses talents de diplomate. Par sa connaissance du droit civil, du droit canon et ses talents d’administrateur, il dispose de tous les outils lui permettant d’assouvir son ambition. De plus il jouit maintenant d’une certaine autonomie financière. L’archevêque lui a concédé quelques prébendes et, signe de la confiance mise en Thomas, d’autres prélats agissent de même, comme les évêques de Londres ou de Lincoln dont il reçoit des bénéfices. Thomas est connu, reconnu et aimé par tous… sauf par Roger de Pont-l’Évêque devenu depuis 1147 le puissant archidiacre de Canterbury. Lui est en mesure d’entraver sérieusement la carrière du jeune homme. Il faut l’éloigner. La mort de l’évêque d’York va donner à Thibaud de Canterbury l’occasion de réaliser – sans doute avec l’aide de Thomas – un assez joli tour de passe-passe. Le chapitre d’York est divisé sur le choix d’un candidat. Cela risque de provoquer un long conflit comme cela a été le cas pour l’élection de l’évêque défunt. Thibaud de Canterbury est légat du pape. Son autorité est à ce moment-là à son zénith. Il est le prélat le plus puissant d’Angleterre. Il va peser de tout son poids pour éviter que l’élection du nouvel évêque ne s’éternise et placer un homme à lui sur le siège épiscopal. Son but est d’enterrer la querelle qui oppose depuis des décennies les évêchés d’York et de Canterbury pour la primatie en Angleterre et d’assurer définitivement la primauté de Canterbury. L’homme qu’il a choisi est Roger de Pont-l’Évêque. Du même coup, l’archidiaconé de Canterbury se trouve vacant. Belle place pour Thomas. Un seul problème, le jeune homme est toujours laïc, il n’a reçu aucun ordre. Qu’à cela ne tienne, Thibaud fait élire Roger qu’il sacre le 10 octobre 1154, nomme Thomas à sa place et fait ordonner diacre le jeune homme. L’affaire est rondement menée.
Thomas devient ainsi le premier dignitaire de l’Église d’Angleterre après les évêques et les abbés. Par là même il prend possession des prébendes de son prédécesseur et notamment de la prévôté de Beverley, un des plus fructueux bénéfices d’Angleterre. Il a trente-six ans. C’est cet homme en pleine maturité, ayant accompli un parcours remarquable dans le sillage de l’archevêque de Canterbury, qu’Henri et Aliénor rencontrent en décembre 1154 à Bermondsey. Au physique, il est élégant, racé, il possède une autorité naturelle et un charme indéniables. Moralement, sa réputation de compétence et de loyauté n’est plus à faire. Il est l’homme idéal pour occuper la fonction de chancelier du royaume. L’Église ne peut voir que d’un bon œil un homme grandi dans son sein accéder à ce titre et Henri, en plus de la compétence de Thomas dont il est convaincu, a besoin, du moins pour l’instant, d’une neutralité bienveillante de cette Église. Le choix de Thomas va la lui accorder.
10 L’incroyable amitié
« La dignité de chancelier d’Angleterre le place au second rang après le roi. Il a la garde du sceau royal et l’appose en partie sur chacune de ses ordonnances. Il est le surintendant de la chapelle du roi. Il a la garde et la tutelle des archevêchés, des évêchés et des abbayes durant leur vacance, et des baronnies tombant aux mains du roi. Il a droit de siéger dans le conseil, même sans y être convoqué. Tous les actes et les titres, il les fait marquer du sceau royal. Rien ne se résout sans son avis et ses mérites, avec la grâce de Dieu, lui venant en aide, et il ne tient qu’à lui de mourir évêque ou archevêque. C’est pour cette raison qu’on ne pouvait acheter la charge de chancelier. » En quelques mots Guillaume Fils Étienne montre la complexité de la fonction qui échoit à Thomas et les considérables pouvoirs qui s’y rattachent. Tous les documents concernant les affaires du royaume passent entre ses mains puisque c’est lui qui les authentifie. Il est au cœur du système de gouvernement anglais, le principal relais du roi ; une sorte de Premier ministre, bien qu’il n’y ait pas à proprement parler de gouvernement mais plutôt un conseil. On comprend à quel point le choix de l’homme occupant cette fonction est crucial pour le roi, qui doit avoir toute confiance en lui, et pour les barons, et pour l’Église qui sait, en ce début de règne compte tenu des
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