Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
favorisait l’avancement de ses amis, sans cesser d’être généreux avec tout le monde. Il avait beaucoup de politesse et se montrait prudent et circonspect, aussi habile à ne pas se laisser tromper qu’il était incapable de tromper les autres. » Ce portrait est à rapprocher de celui d’Henri. Au physique comme au moral les deux hommes sont très dissemblables. Le roi, on s’en souvient, est un homme de taille moyenne, musclé ; un athlète taillé pour la bagarre. Ses cheveux sont roux et son teint a tendance à s’empourprer facilement, comme ses yeux gris qui s’injectent de sang lorsqu’un des accès de bile noire le prend. Autant Thomas est un homme élégant qui prend un grand soin de sa personne et de son apparence, autant Henri n’accorde aucun intérêt à la manière dont il s’habille. Un seul mot lui importe : « pratique » ! De même, aucun des attributs ostentatoires du pouvoir ne l’intéresse. Il aura très vite une réputation d’avarice dont il ne se souciera pas. À sa table on mange mal… peu importe, il n’aime pas manger ! Et tout est à l’avenant. En fait, il laisse à Aliénor et à Thomas le soin de s’occuper de la « pompe » royale. La reine aime le luxe. Elle ne s’en est jamais cachée. Elle est née riche et aime dépenser l’argent. Dès son installation en Angleterre, nous avons vu les achats auxquels elle se livre et qui nous sont parvenus grâce au Pipe’s Rolls. Thomas, pour lui-même, n’a aucune appétence pour le luxe. Tous ses biographes s’accordent à reconnaître qu’il a des goûts très simples, qu’il mange peu, qu’il mène une vie personnelle très ascétique. En revanche, il a une très haute conception de sa fonction de chancelier et afficher sa richesse entre dans cette conception. Le chancelier d’Angleterre est le serviteur d’un roi puissant, très riche, et cela doit se voir. Pour lui la « pompe » a une fonction politique et sur ce point il ne lésine pas. Il faut dire qu’il en a les moyens. Il a conservé les ressources dont il disposait en tant qu’archidiacre de Canterbury auxquelles sont venues s’ajouter celles liées à la fonction de chancelier. Guillaume Fils Étienne écrit que ses revenus sont considérables : « Il avait la prévôté de Beverley, les prébendes d’Hastings que lui avait données le comte d’Augy, le gouvernement de la Tour de Londres avec le commandement de la garnison, la châtellenie d’Eye avec un contingent de cent vingt hommes et le château de Berkhamstead. »Ces revenus lui permettent de déployer le train fastueux qui sied au chancelier d’Angleterre : « Sa maison et sa table étaient ouvertes aux personnes de tout rang qui venaient à la cour, et il donnait une généreuse hospitalité non seulement aux personnes honorables mais encore à celles qui pouvaient le paraître. Habituellement, des comtes et des barons étaient invités à partager son repas. Chaque jour, il faisait répandre dans tout son hôtel de la paille fraîche ou du foin en hiver, du feuillage ou des joncs en été, afin que les chevaliers, souvent trop nombreux pour trouver place sur les hunes de la salle, puissent se reposer en un endroit propre et agréable, et qu’ils n’aient à craindre pour leur parure élégante et leurs magnifiques vêtements. On voyait resplendir dans toute sa maison la vaisselle d’or et d’argent. Les mets et les vins précieux abondaient sur sa table et, si la rareté des uns et des autres y faisait attacher un plus grand prix, les intendants de son hôtel avaient ordre de ne rien épargner pour les avoir et pour rendre son hospitalité fastueuse. » Au milieu de ce déploiement de richesses et malgré l’énorme pouvoir placé entre ses mains, Thomas Becket gardait la tête froide. Cela devait certainement intriguer Henri qui n’était pas dupe des travers des courtisans l’entourant et de la facilité avec laquelle le pouvoir tournait les têtes. Thomas échappait à cette règle et cet aspect de sa personnalité devait entrer pour une part dans l’amitié que le roi lui portait.
La piété du roi n’était pas des plus remarquables. De ce point de vue, le second mari d’Aliénor ne ressemblait pas du tout au premier. La présence permanente de la religion dans la vie courante n’était pas vécue avec la même intensité par tous. Cela dit, il ne faut pas se méprendre ; à l’époque tout le monde croit en Dieu. C’est une chose que nous avons du
Weitere Kostenlose Bücher