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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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mal à concevoir, dans notre Occident du XXIe siècle. La présence de la religion dans la société du temps d’Aliénor et Henri s’apparente à ce que l’on vit aujourd’hui, par exemple, dans un État islamique. Pour se donner un point de rapprochement plus facile, souvenons-nous qu’à l’époque on ne connaît pas notre division du jour en vingt-quatre heures ; les heures n’existent pas. Le temps est rythmé par le son des cloches – elles ont été inventées vers le Veou le VIe siècle – qui marquent les offices. Le lien au temps qui passe est religieux. Les heures n’apparaîtront qu’au XIIIe siècle, et seront considérées comme un « temps des marchands », un temps laïc en quelque sorte. L’Église tentera de s’y opposer, sentant bien qu’elle perd du terrain si elle n’impose plus le décompte du temps. La religiosité est donc la caractéristique essentielle de la société du XIIe siècle et tout le monde, du plus petit au plus grand, a la foi. Ce qui varie, c’est l’intensité de cette foi. La plupart des gens vont à l’église, mais « s’accommodent » de quelques arrangements avec leur conscience de chrétiens. Plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus ces arrangements sont faciles. Sans oublier qu’il est toujours possible de faire pénitence, d’effacer l’ardoise et de recommencer. On se souvient de l’exemple du grand-père d’Aliénor qui savait allier une foi solide et un concubinage notoire, ou encore du jeune Henri, jurant de respecter les dernières volontés de son père concernant l’héritage de son frère mais rompant par la suite ses engagements.
    Thomas Becket, lui, fait partie des hommes profondément croyants qui mettent leur vie personnelle en accord avec leur foi. Il pratiquait la charité ; Édouard Grim précise qu’il était très sensible à la cause des faibles et des opprimés et qu’on n’implorait jamais en vain sa protection. Mais sa foi allait au-delà de la charité. « Au milieu de tous les honneurs du siècle, écrit Guillaume Fils Étienne, le chancelier nourrissait un vif sentiment de religion et d’humilité. Se conformant à la dévotion du temps, il se faisait quotidiennement administrer la discipline. Il la recevait les épaules nues, des mains de Raoul, prieur de la Sainte-Trinité, quand il se trouvait dans le voisinage de Londres, et des mains de Thomas, un ami fidèle, prêtre de Saint-Martin, quand il était plus près de Canterbury. » Les chroniqueurs du futur archevêque de Canterbury ne manquent pas de souligner que cette profonde piété gênait le roi qui ne se privait pas de l’éprouver en essayant de lui faire partager certaines de ses turpitudes. La célèbre anecdote de la belle Avice, de Strafford, souligne cet aspect de la relation entre les deux hommes.
    Le bruit courait que le roi Henri n’était pas insensible aux charmes d’une belle dame, répondant au joli nom d’Avice et résidant dans la bonne ville de Strafford. Henri ne manquait jamais de visiter la dame quand il se trouvait dans la ville, ce qui lui arrivait assez fréquemment ; en d’autres termes, le roi avait une liaison. Il advint que son chancelier, Thomas Becket, s’arrêtat plusieurs jours dans ladite ville et séjournât chez un clerc dénommé Vivien. Quelle ne fut pas la surprise de Vivien de voir arriver chez lui quantité de cadeaux, tous destinés à Thomas et envoyés par dame Avice.  Le bon clerc commença à prendre peur, se disant que le chancelier marchait sur les brisées du souverain et que, si ce dernier s’en apercevait, cela ferait du bruit. Et comme Thomas séjournait chez lui, son hôte risquait de faire partie des dommages collatéraux. Tout de même, l’homme avait des doutes : la réputation de probité et d’abstinence de Thomas plaidait pour lui. Il décida d’en avoir le cœur net. Une nuit il s’introduisit dans la chambre de Thomas et la trouva vide. Le chancelier découchait donc et, aucun doute possible, il était allé rejoindre Avice. Vivien ressortit de la chambre en commençant déjà à répertorier tous les types de supplices qu’on allait lui infliger quand sa conscience lui dicta qu’un tel crime n’était décidément pas envisageable et n’était dans l’intérêt ni du chancelier ni de la dame. Il fit demi-tour, retourna dans la chambre, et là, trouva le chancelier d’Angleterre couché à même le sol, effondré de sommeil en plein milieu de ses prières. On

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