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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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certain que le chancelier avait emmené leurs plus beaux spécimens – et soigneusement encapuchonnés. Puis venait une suite de chars dont le premier portait la chapelle du chancelier, superbe char tendu de draperies écarlates et aux essieux dorés. Le défilé se poursuivait avec douze mulets chargés de coffres autour desquels les singes sautillaient pour la plus grande joie des badauds, puis les hommes d’armes et enfin le chancelier d’Angleterre, Thomas Becket, entouré de quelques familiers.
    L’ambassade anglaise est logée dans les bâtiments du Temple ainsi que l’a décidé Louis VII. Tout le temps que durera le séjour des Anglais, le Temple sera transformé en lieu de curiosité où se précipiteront les Parisiens pour voir ces Anglais si riches et aussi pour profiter des dons en nourriture et boisson que Thomas avait ordonnés chaque jour. La tradition veut que l’hôte, en l’occurrence le roi de France, « entretienne » les membres de la délégation et surtout les nourrices. Louis VII est beaucoup moins fortuné que son rival anglais et nul doute que cette perspective de dépense imprévue et importante ne le réjouit pas – sans compter qu’aux dépenses quotidiennes il faut ajouter quelques fêtes aussi indispensables que dispendieuses –, pourtant la tradition est la tradition et il fait savoir à Thomas, avant son arrivée, que des ordres ont été donnés afin que les commerçants de la ville n’acceptent aucun argent des Anglais, et que tout ce qu’ils se procureront sur les marchés parisiens sera payé par la couronne. Mais Thomas contourne avec tact l’hospitalité du Capétien. Il envoie en éclaireurs des intendants acheter sur les marchés alentour de Paris – Corbeil, Lagny, Pontoise, Saint-Denis… – la viande, les poissons, le pain et les légumes nécessaires pour nourrir à la fois les gens de son escorte et les invités. Très habilement, Thomas a donné l’ordre que tout soit payé au prix fort sans discuter, bien évidemment dans le but que cela se sache. En agissant ainsi, le chancelier cherche à placer le roi dans les meilleures dispositions à son égard – après tout il n’aura pas à débourser les grosses sommes que demande l’entretien d’une aussi nombreuse ambassade, et ne peut manquer d’apprécier la délicatesse avec laquelle le chancelier procède – et soigne sa réputation auprès des Parisiens qui se félicitent de la manne financière anglaise et des largesses du représentant d’Henri et Aliénor.
    Nous ne connaissons pas le détail des négociations, le nombre d’entrevues entre Louis VII et le chancelier, si les tractations ont été délicates, tendues, ou au contraire si tout, en fait, était joué d’avance. À l’évidence, Henri et Aliénor ne le pensaient pas, sinon ils n’auraient pas déployé autant de fastes, ou alors le message n’était pas seulement à l’intention du roi de France, mais aussi à l’intention du pape et de l’empereur d’Allemagne, puisque c’est à ce niveau-là que les Plantagenêt jouent désormais en matière politique.
    Laissons-nous aller à imaginer Thomas Becket, superbe et flamboyant, plaidant la cause de son maître avec tout son charme et son habileté, devant la cour de France réunie et un Louis VII amusé – car il n’était sans doute pas dupe des intentions des souverains anglais –, mais aussi inquiet et probablement énervé de se sentir piégé à accepter un mariage qui le rapprochait de l’homme lui ayant succédé dans le cœur de celle qui resterait à jamais le grand amour de sa vie. Cela s’appelle « avaler une couleuvre », et ce genre de déglutition ne se fait jamais de gaîté de cœur.
    Quelles étaient-elles, les intentions d’Henri et Aliénor ? Tout d’abord récupérer ce Vexin normand, riche et fertile, et dans le même temps prendre une option sur le trône de France en misant sur l’incapacité de Louis à concevoir un héritier. Car, après tout, depuis leur séparation Aliénor a eu trois fils… le « problème » ne vient donc pas d’elle. Soyons clair, il ne s’agit bien que d’une option. Louis a deux autres filles, Marie et Aélis, dont la mère est Aliénor, et qui, par leur âge, passent avant la petite Marguerite dans l’ordre de la succession. Elles sont toutes les deux fiancées avec un membre de la famille de Blois-Champagne. À l’âge de deux ans, en 1147, Marie avait été promise au comte Henri de Champagne et

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