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Amours Celtes sexe et magie

Titel: Amours Celtes sexe et magie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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de vengeance, et ses Fiana, bien à contrecœur d’ailleurs, sont bien obligés de le suivre dans cette poursuite. À la fin, par traîtrise, et en obligeant Diarmaid à transgresser les interdits auxquels il était soumis, il provoque la mort de celui qui était l’un de ses plus fidèles compagnons, et surtout, à la grande colère de son fils et de ses pairs, il refuse de lui porter secours alors qu’il pouvait encore le sauver par certains pouvoirs magiques dont il était dépositaire. Les Fiana ne peuvent rien faire d’autre que d’élever « un tertre de pierre sur la dépouille de Diarmaid. Sur ces entrefaites survint la triste Grainné, folle d’angoisse que ne fût pas rentré l’homme qu’elle aimait. Quand elle vit qu’il était mort, elle jeta un cri terrible de souffrance, changea de couleur et tomba inanimée sur le sol pour n’en plus bouger. […] Les Fiana ensevelirent Grainné aux côtés de Diarmaid et chantèrent sur les deux tombes des lamentations funèbres. Puis, le cœur plein de tristesse et de rancune contre leur roi, ils quittèrent lentement, comme à regret, la montagne de Ben Bulben (53) . Mais on raconte qu’après leur départ, Oengus (54) arriva avec les gens des tribus de Dana, et qu’ils transportèrent les corps de Diarmaid et Grainné dans le tertre de Brug na Boyne (55) . »

Les femmes solaires
    Le personnage de Grainné, fille de Cormac, roi suprême d’Irlande, épouse de Finn Mac Cool, roi des Fiana, qui provoqua le beau Diarmaid, fils d’O’Duibhné et l’entraîna dans un destin tragique, est essentiel si l’on veut comprendre ce qu’étaient réellement l’amour et la sexualité chez les peuples celtes. C’est d’abord le personnage lui-même, mais surtout ce qu’on en a fait dans l’imaginaire fantasmatique de ces peuples, débordant d’ailleurs largement sur celui de tout l’Occident par le biais d’une autre épopée connue universellement, celle de Tristan et Yseult et de leurs amours malheureuses.
    Il est incontestable, en effet, que l’épopée de Diarmaid et Grainné est le prototype de celle de Tristan et Yseult. Ce n’est même pas une vague ressemblance comme il peut y en avoir entre deux légendes héroïques, c’est une identification presque complète de la trame qui apparaît à l’analyse dans les deux traditions. En plus, il y a une coïncidence curieuse   : l’épopée de Diarmaid et Grainné ne nous est parvenue que par fragments dispersés au cours des siècles, et il a bien fallu rassembler les morceaux de ce véritable puzzle pour parvenir à obtenir une histoire cohérente, mais il en est exactement de même pour l’épopée de Tristan et Yseult, qu’il est nécessaire de reconstituer d’après des sources parfois bien différentes, tant dans l’espace géographique que dans le temps. Mais l’antériorité est dévolue à Diarmaid et Grainné , dont les plus anciens récits, en gaélique d’Irlande, remontent au moins au IX e  siècle, tandis que le roman de Tristan et Yseult ne prend forme qu’au XII e  siècle, et cela dans le cadre de la littérature courtoise continentale (56) .
    On peut d’abord s’intéresser aux noms des deux héroïnes. Celui d’Yseult, dont la graphie est Iseut dans les textes anglo-normands et Isold dans la littérature germanique, ne nous est pas connu en langue gaélique, mais il apparaît sous la forme Essyllt dans les textes gallois, d’où est d’ailleurs tirée la graphie Yseult , laquelle paraît la plus conforme à un original qui pourrait bien être le nom féminin scandinave Ishild , où la composante hild signifie « jeune fille ». Comme Yseult est présentée dans toutes les versions comme la fille du roi d’Irlande, ce nom pourrait bien être un héritage des Vikings qui sont, on ne le répétera jamais assez, les véritables fondateurs de la ville de Dublin. Quant au nom de Grainné ( Grania ), il n’a aucun rapport lexicologique direct avec celui d’Yseult, mais il est essentiel de reconnaître en lui un dérivé du nom gaélique du soleil greine , qui est du genre féminin. Car, dans les langues celtiques et germaniques, le soleil est toujours féminin tandis que la lune, contrairement à l’opinion courante d’origine méditerranéenne, est du genre masculin, ce qui n’est pas sans intérêt quand on étudie attentivement ces deux épopées parallèles.
    On sait que Tristan et Yseult , légende celtique la plus célèbre, nous est parvenue, à partir

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