Amours Celtes sexe et magie
du XII e siècle, par des textes fragmentaires mais qui se recoupent tous dans les grandes lignes et qui, par conséquent, témoignent d’une trame originelle, même si celle-ci a été perdue. Par les détails de l’histoire ainsi racontée, on peut affirmer qu’il s’agit d’une légende pan-celtique, puisqu’on y découvre des éléments bretons armoricains, des éléments gallois, des éléments corniques (sud-ouest de l’Angleterre), des éléments pictes du nord de l’île qu’on appelle maintenant la Grande-Bretagne (notamment le nom de Tristan, Drustanos , qui est incontestablement d’origine picte, bien qu’il soit relié à la légende du pays englouti de Lyonesse, au large du comté de Cornwall), et des éléments irlandais qui sont reconnus comme les plus anciens et les plus fiables. Tous ces éléments se sont fondus en une grande fresque épique dont la beauté poétique ne peut faire aucun doute.
Les plus anciens textes sur Tristan et Yseult sont en langue française, plus exactement en dialecte anglo-normand, ce qui indique une origine armoricaine, ou insulaire du sud, puisque les Anglo-Normands, maîtres de l’Angleterre, constituaient au XII e siècle les intermédiaires incontournables entre les Bretons continentaux ou insulaires et les Français continentaux. Ces textes, dus essentiellement à deux trouvères, Béroul et Thomas, ou ce qu’il en reste, sont complétés par des versions allemandes (Eilhart d’Oberg et Gottfried de Strasbourg), également fragmentaires, et par une version dite « norroise », autrement dit scandinave, attribuée à un certain « frère » Robert, et par un roman en prose anonyme français du XIII e siècle, qui contient bien des archaïsmes révélateurs, sans parler de quelques épisodes isolés, en anglo-normand comme La Folie Tristan et le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France, ou en gallois dans un très court conte du XIV e siècle qui donne de l’ensemble une vision quelque peu différente de celle qui a été répandue depuis l’époque romantique.
Or, si l’on compare les récits sur Tristan et Yseult et ceux qui ont été recueillis sur Diarmaid et Grainné, on ne peut manquer d’être frappé par la concordance, non seulement de certains épisodes, mais également de certains détails caractéristiques. C’est d’abord le fait qu’Yseult et Grainné sont toutes deux filles d’un roi d’Irlande. C’est ensuite la certitude que si Grainné possède des pouvoirs magiques, dont elle use lors de l’assemblée où elle va provoquer Diarmaid, Yseult, comme sa mère, la reine d’Irlande, est douée de pouvoirs médicaux et magiques, ce qui lui permettra de guérir Tristan lorsqu’il abordera en Irlande, souffrant d’une blessure mortelle due à l’épée empoisonnée du Morholt, oncle d’Yseult, que Tristan vient de combattre et de vaincre parce que celui-ci, comme chaque année, réclamait le tribut que devaient payer les Cornouaillais du roi Mark en vertu de leur traité d’allégeance au royaume d’Irlande. Tristan s’était fait placer sur une barque, à la grâce de Dieu, sur les flots de l’océan. Il a été recueilli par la reine d’Irlande et sa fille Yseult, et soigné par elles. Mais Yseult s’aperçoit qu’une entaille dans l’épée de Tristan correspond exactement avec l’éclat de métal qui a été retrouvé dans le corps du Morholt. Sa première réaction est de tuer le meurtrier de son oncle, mais elle fléchit : elle s’aperçoit alors qu’elle aime Tristan d’un amour fou qui ne peut être mis en cause par aucun événement extérieur.
Car l’amour d’Yseult pour Tristan ne s’est pas seulement manifesté au moment où ils ont bu le fameux philtre d’amour sur le navire qui les emmenait vers le royaume de Mark. Il se trouvait déjà, non seulement présent mais virulent, dans tout l’être d’Yseult à sa première rencontre avec Tristan, comme l’était d’ailleurs l’amour de Grainné pour Diarmaid. Et c’est Grainné qui l’avoue elle-même lors du festin de Tara où s’est décidé leur sort : « Je t’ai aimé depuis le jour où tu vins, avec tous les Fiana, à un grand rassemblement qu’avait organisé mon père dans la prairie, devant la forteresse de Tara. Je me trouvais alors dans ma chambre de la maison royale. À travers mes fenêtres de verre bleu, je t’aperçus et t’admirai, parce que tu avais les cheveux noirs comme la plume du corbeau, la peau
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