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Amours Celtes sexe et magie

Titel: Amours Celtes sexe et magie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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situation intolérable, non seulement à cause des conditions lamentables dans lesquelles ils se trouvent, mais également vis-à-vis de la communauté des Fiana. Il s’exprime par un chant d’une grande mélancolie, qui est probablement très ancien et qui prouve que cette épopée très fragmentaire appartenait depuis fort longtemps à des traditions populaires orales transmises de génération en génération par les bardes des peuples gaéliques d’Irlande et d’Écosse   :
     
    Tu m’as mis en dure détresse,
    ô Grainné, tu as agi douloureusement avec moi.
    Tu m’as enlevé du palais d’un roi
    pour passer le reste de ma vie dans l’exil,
    comme la chouette nocturne,
    pleurant mon bonheur disparu.
    Je suis comme le cerf ou le daim
    errant dans les vallées oubliées…
    J’ai perdu mon honneur en te suivant,
    et désormais tous m’abandonnent à cause de ton amour (47) …
     
    Après ce chant, les fugitifs s’engagent dans une tourbière. « Tout à coup, comme Grainné menait le pied sur une touffe de la plante appelée coton des marais, un jet d’eau claire gicla d’entre ses orteils et lui mouilla le haut des cuisses. La sensation fraîche et humide qu’elle en éprouva suscita son rire. » Diarmaid s’étonne de ce rire et lui demande des explications. Elle lui répond   : « Je veux dire qu’un jet d’eau jailli du sol m’est venu mouiller un endroit où tu n’as jamais osé mettre la main. » On comprend ainsi que, pendant ces semaines de fuite, Diarmaid et Grainné n’ont eu aucun rapport sexuel. D’ailleurs, Diarmaid justifie cette continence   : « Tu es la femme de Finn, et je respecte le roi des Fiana en te respectant toi-même. La honte et l’infamie de t’avoir suivie dans ta folie me pèsent bien assez déjà sans que j’y ajoute le remords de t’avoir toi-même déshonorée. »
    Ces paroles, pleines de dignité, de Diarmaid, n’ont pas l’heur de plaire à Grainné, et celle va se livrer à une nouvelle provocation tout aussi redoutable, sinon plus, que la première. Au comble du délire amoureux, elle s’écrie   : « Ô guerrier d’Irlande dont toutes les femmes vantent les méritent, serais-tu indigne de ta réputation   ? Me faut-il te croire incapable de satisfaire une femme qui t’aime de grand amour   ? Que diront les hommes d’Irlande quand ils apprendront que celui qui se targue d’être un héros sans peur n’osa jamais toucher la femme qui partageait son lit   ? »
    Cette fois, c’est le comble de la provocation, car Grainné met en doute la virilité de Diarmaid, tout en menaçant celui-ci d’aller raconter partout que l’un des meilleurs guerriers parmi les Fiana est impuissant. Car il s’agit bien de cela. Grainné met au défi Diarmaid d’accomplir l’acte sexuel, ce qui, pour un homme, est le comble de la déchéance. À l’expression bien connue « tu me veux, tu m’as », elle oppose cette autre expression méprisante « je te veux, tu ne peux pas ».
    Il est nécessaire d’ouvrir ici une longue parenthèse. Une telle situation se retrouve, de façon absolument parallèle, dans l’un des romans arthuriens, qui sont l’expression médiévale française et courtoise d’une tradition celtique très archaïque parvenue à un degré de raffinement compatible avec les normes de la société chrétienne du temps, mais cependant chargée de sous-entendus révélateurs.
    En effet, l’épisode contenu dans le roman en prose du XIII e  siècle qu’on appelle généralement le Lancelot proprement dit , et qui fait partie de l’immense corpus sur les chevaliers de la Table ronde et la quête du saint Graal, présente un épisode sur lequel il est bon de s’attarder. Dans le récit arthurien, Lancelot a délivré, par son courage et par sa fidélité inébranlable envers la reine Guenièvre, les prisonniers magiquement retenus par la fée Morgane dans le Val sans retour, mais par cette action d’éclat, il s’est exposé à une vengeance de la part de la fée. Celle-ci, qui est amoureuse de Lancelot, ne peut pas supporter son attachement à Guenièvre et, par ses manœuvres plus ou moins magiques, elle le retient prisonnier dans son château. Il est néanmoins autorisé par Morgane à quitter sa prison pour aller délivrer Gauvain, le neveu d’Arthur, victime d’un piège de ses ennemis, sous condition d’être accompagné par une « pucelle », c’est-à-dire par une des compagnes de Morgane qui le surveillera

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