Amours Celtes sexe et magie
dont elle dispose autour d’elle chez ceux qui lui semblent les plus dignes de la mettre en œuvre. Et le meilleur moyen de communiquer cette énergie est le contact sexuel, à l’image de ce qui se passait dans les temples du Moyen-Orient, lorsque les prostituées sacrées, incarnations de la déesse, couchaient avec les pèlerins venus, non pas pour obtenir une satisfaction sexuelle de bas étage, mais pour s’imprégner de la puissance divine.
Dans les croyances populaires de tous les pays, les sorts sont transmis au cours d’un repas, notamment en partageant le pain et le vin, ce qui n’est pas sans rappeler certaine Cène que les Évangiles rapportent avec précision. Il s’agit d’une communion au cours de laquelle quelque chose passe d’un personnage à un autre, ou à des autres. Le repas pris en commun est une manifestation collective, où chacun partage l’énergie dispensée par une nourriture qui est essentielle, vitale, pour permettre l’activité humaine. C’est le sens que le christianisme donne à cette célébration de l’Eucharistie, même si les catholiques, les orthodoxes et certains anglicans croient à la présence réelle du Christ sous l’apparence du pain et du vin, et si les luthériens et les calvinistes n’en font qu’une commémoration d’un acte de fraternité. De toute façon, il y a échange. Et les participants à cette « communion » en sortent toujours fortifiés par une énergie nouvelle, transmise par un acte matériel.
Il en est de même pour les rapports sexuels que peut entretenir la reine avec tel ou tel chevalier, cela en dehors de ceux qu’elle continue à assumer auprès de son époux légitime. Si Yseult est folle d’amour pour Tristan, elle n’en subit pas moins l’étreinte du roi Mark, et nulle part on ne nous dit que Guenièvre se refuse au roi Arthur, ni que la reine Maeve a cessé de coucher avec le roi Ailill. Mais dans cette perspective, il faut bien comprendre que c’est l’union des sexes qui fait la force et la valeur des actes mis en œuvre. La « putain royale », sous quelque nom qu’elle apparaisse dans la tradition, est celle qui permet l’accomplissement du destin. L’amant, transformé par cet échange que constitue l’acte sexuel, est donc en mesure d’affronter le monde avec courage, vaillance et ténacité.
Aussi ne peut-on pas considérer la « putain royale », non seulement comme une vulgaire prostituée qui n’a pas d’autres moyens que celui-là pour survivre, ou comme une « nymphomane » atteinte de ce qu’on appelle l’hystérie, terme qui provient du mot grec désignant l’utérus. C’est à un très haut niveau que tout cela se passe, et c’est ainsi qu’apparaît le rôle essentiel de la sexualité dans les rapports humains qui ont fait l’Histoire et qui continuent à alimenter la Légende.
Les amours parallèles
Les sociétés celtiques n’ont jamais, avant l’arrivée du christianisme en extrême Occident, connu la notion de péché, c’est-à-dire de manquement à une doctrine morale prétendument édictée par un dieu s’exprimant à travers des visionnaires ou des prophètes. Ces sociétés, en revanche, privilégiaient les « interdits » auxquels étaient soumis certains personnages, surtout ceux qui étaient revêtus d’une lourde responsabilité, tel le roi et les principaux notables de la collectivité dont il conduisait les activités. Mais ces interdits ne concernaient que ce qui risquait de troubler l’ordre social. Il n’était pas question de principes moraux ou religieux comme on en découvre dans le Lévitique . Par conséquent, on a pu le constater, les relations sexuelles entre les membres du groupe n’étaient codifiées que si elles étaient contradictoires avec l’épanouissement de la collectivité. Ce tranquille « amoralisme » que d’aucuns considéraient comme un laxisme n’a pas manqué d’être remarqué par les philosophes et moralistes de l’Antiquité.
Ainsi, Aristote, dans sa Politique (II, 6), déclare gravement : « Les hommes sont portés à se laisser dominer par les femmes, disposition habituelle des races énergiques et guerrières. » C’est reconnaître que les femmes constituent le ferment actif des citoyens d’une société bien structurée. Mais il ajoute ceci : « J’en excepte cependant les Celtes qui honorent, dit-on, ouvertement l’amour viril. » Cette réflexion, jointe à d’autres remarques de nombreux
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