Amours Celtes sexe et magie
Lancelot ne se soient encore jamais déclaré leur amour mutuel, les regards qu’ils ont échangés et l’intérêt qu’ils se portent l’un à l’autre parlent plus fort que les mots eux-mêmes. Et Guenièvre, bien plus qu’Arthur d’ailleurs, se sent trahie.
Elle l’est, en un certain sens. Une fois qu’il a accepté d’être logé chez Galehot, Lancelot est magnifiquement traité par le « seigneur des Îles lointaines ». Celui-ci le conduit à sa chambre, et après avoir conversé longuement, « Galehot le laisse et le chevalier (Lancelot) pense au grand honneur qu’il lui fait et l’estime au plus haut point. Une fois couché, il s’endort tout de suite, recru de fatigue. Quand Galehot sut qu’il était endormi, il se coucha près de lui, le plus doucement possible, ainsi que deux de ses chevaliers, sans personne d’autre dans la chambre. » Il y a là une évidente preuve d’amour, cet amour reposant non seulement sur l’estime, mais sur une sorte d’attirance mutuelle autant physique qu’affective.
Mais la suite est encore plus précise : « Le chevalier dormit toute la nuit profondément, mais il se plaignait dans son sommeil. Galehot qui ne dormait guère l’entendit parfaitement et réfléchit au moyen de le retenir (130) . » Les choses ne peuvent pas être mieux dites, d’autant plus que dans le contexte chrétien de l’époque, il était hors de question d’insister sur un sujet « tabou », toute relation homosexuelle étant considérée comme « sodomie », condamnée et parfois sévèrement condamnée, sauf pour les grands de ce monde bien entendu (131) . Il ne restait plus pour les auteurs qu’à utiliser des fioritures de langage et à calquer une amitié idéale entre deux hommes sur les codes familiers de la Fine Amor , autrement dit l’amour courtois, idéologie très en vogue à l’époque dans les milieux aristocratiques (132) . Ce tour de passe-passe a été utilisé bien des fois.
On pourra objecter que ce détail de l’homosexualité de Lancelot n’a pas grande importance. D’abord, comme l’Irlandais Cûchulainn, il est avant tout bisexuel . Ensuite, il demeure dans nos mémoires un « leveur » de sortilèges, un chevalier presque parfait et l’amant unique et fidèle de la reine Guenièvre. On aurait pourtant tort de sous-estimer le lien très puissant qui unit Lancelot et Galehot, car non seulement il prépare de façon harmonieuse la relation hétérosexuelle entre Guenièvre et Lancelot, mais il a des conséquences précises, et bénéfiques, sur la destinée du royaume arthurien. En effet, profitant de l’ amour de Galehot pour lui, Lancelot va en faire un allié fidèle d’Arthur. Et la manière dont il s’y prend pour arriver à ses fins est riche d’enseignements.
Galehot, tourmenté par son amour pour le « chevalier », lui demande de rester et d’être son compagnon. Lancelot accepte, mais à condition que Galehot lui accorde un don : « Sitôt que vous aurez le dessus sur le roi Arthur, pas de salut pour lui ; mais dès que je vous en avertirai, allez lui demander grâce et soumettez-vous entièrement à lui. » Une telle demande déconcerte Galehot, car elle équivaut à une humiliation. Et pourtant, il accepte. C’est ainsi que Galehot, qui est en train de combattre le roi Arthur en personne, et qui est plus puissant que celui-ci , est sur le point de terrasser son adversaire. Mais Lancelot intervient et rappelle à Galehot son serment : « Quand le Bon Chevalier (Lancelot) voit Galehot reculer et se résoudre à un si grand sacrifice pour lui, il se dit en lui-même qu’il n’a jamais eu de si bon ami ni de si sincère compagnon (133) . » En somme, le royaume d’Arthur n’existerait plus si Lancelot n’avait pas eu cette relation « amoureuse » avec Galehot. Et cela met en relief le rôle prédominant de Lancelot – qui n’appartient pas encore à la confrérie de la Table ronde –, qui en fait l’image du dieu Lug de la mythologie irlandaise. Si Arthur est le pivot de cette société idéale qu’est la Table ronde, et si Guenièvre en est l’âme, Lancelot apparaît ici comme son agent exécuteur. Et peu importent les moyens qu’il emploie.
Mais c’est alors que les choses se compliquent. Certes, l’amour que Lancelot a suscité chez Galehot vaut bien une victoire sur le champ de bataille. Il vaut même davantage puisque, en définitive, c’est Arthur qui allait être vaincu par les
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