Amours Celtes sexe et magie
formellement sans avoir pu l’empêcher. Et comme l’engagement tourne au désavantage de ses guerriers, ceux de Connaught, Ailill fait ce commentaire significatif : « J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas en Irlande de guerriers qui fussent égaux (aux Ulates), mais je vois que les gens de Connaught et de Munster ne commettent aujourd’hui que trahison. Il y a longtemps qu’un proverbe dit qu’on ne gagne pas de bataille sans la présence d’un roi . Si c’était autour de moi qu’était livrée la bataille, elle ne durerait pas longtemps. Vous voyez que je n’ai aucun pouvoir sur eux . »
Le rôle du roi celte apparaît singulièrement clair grâce à ce texte. C’est la présence magique du roi qui assure la victoire d’une armée, mais seulement sa présence, car le roi n’est pas obligé de combattre, cela lui étant formellement déconseillé, voire interdit. Cela ne veut pas dire que tous les rois dont on raconte les aventures étaient tenus en une sorte de minorité légale par la reine, mais cela signifie que la dignité royale n’était pas considérée comme tellement appréciable, car elle n’était pas obligatoirement une preuve de puissance. Cette puissance, c’est Maeve qui la détient incontestablement. Et, sous couvert de « courtoisie », dans le mythe arthurien, c’est Guenièvre la détentrice du pouvoir réel.
En effet, que penser de ce roi Arthur qui, lorsqu’il tient sa cour, se laisse insulter par tous les provocateurs qui s’infiltrent jusqu’à lui, de ce roi qui tolère qu’on outrage la reine sans intervenir lui-même, de ce roi qui voit enlever Guenièvre et se contente de demander à ses compagnons quel est celui qui voudra bien se dévouer pour aller la reprendre à son ravisseur ? En fait, Arthur, comme Ailill, apparaît bien souvent comme un roi-soliveau. Sa présence est indispensable au milieu des aventures qui surviennent, mettant en jeu ses compagnons. Parfois, il accompagne ceux-ci, mais on constate que son rôle consiste à être un « meneur ». C’est lui qui dirige les opérations en demandant à l’un ou à l’autre d’utiliser ses compétences pour résoudre tel ou tel problème. Ainsi, quand Arthur envoie ses compagnons à la quête du Graal, il se garde bien de participer à cette quête. Il demeure sur place, pour maintenir l’équilibre d’un monde dont il est responsable. Guenièvre est à ses côtés, mais elle a sa propre vie affective. C’est Guenièvre qui noue et dénoue les intrigues.
Par conséquent, la reine a tous les pouvoirs, et surtout les plus occultes . Elle veille à répartir l’énergie qu’elle représente sur les hommes qu’elle choisit en raison de leur vaillance et de leur « fidélité ». Mais elle participe elle-même au combat, comme Morrigane, donnant ainsi raison aux auteurs de l’Antiquité grecque et romaine qui ont souvent décrit les femmes celtes comme des furies déchaînées par l’ardeur et le désir de vaincre, toujours prêtes à aider leur homme dans les circonstances les plus défavorables, qu’elles soient ou non responsables des querelles et des guerres incessantes que se livrent les diverses tribus se réclamant de l’idéologie celtique.
Ainsi, d’après Diodore de Sicile (V, 32), chez les Gaulois, les femmes sont presque de la même taille que les hommes, avec lesquels elles rivalisent en courage. On retrouve la même observation chez Ammien Marcellin (XV, 12) : « L’humeur des Gaulois est querelleuse et arrogante à l’excès. Le premier venu d’entre eux, dans une rixe, va tenir tête à plusieurs étrangers à la fois, sans autre auxiliaire que son épouse, champion bien plus redoutable encore. Il faut voir ces viragos , les veines du cou gonflées par la rage, balancer leurs bras robustes d’une blancheur de neige, et jouer des pieds et des poings, assénant des coups qui semblent partir de la détente d’une catapulte. » À tout prendre, la description peut sembler flatteuse : elle constitue indubitablement la preuve que les femmes celtes savaient se faire respecter, et ce n’est pas la littérature tant gaélique que galloise qui pourrait le démentir.
C’est là qu’apparaît le rapport étroit entre la guerre et la sexualité. La femme n’a pas besoin d’être protégée par un homme. Elle sait se défendre elle-même. Mais comme la femme représente la souveraineté, elle doit partager les tâches et répartir l’énergie primordiale
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